Les autorités américaines s’agitent. Lundi, le président Joe Biden avertissait: pour lui, il est «clair» que l’armée russe envisage d’utiliser des «armes de destruction massive» — chimiques ou biologiques — en Ukraine, comme le rapportaient plusieurs médias internationaux. Cette déclaration faisait suite à une prise de parole de Scott Berrier, à la tête de l’Agence américaine du renseignement de la Défense, quelques jours plus tôt. Le lieutenant général avait affirmé que, la guerre avançant, Moscou s’appuiera probablement toujours davantage sur sa force de dissuasion nucléaire.
Dans ce contexte, un élément de l’arsenal russe attire l’attention: de plus petites bombes nucléaires, moins destructrices que leurs grandes sœurs de l’époque de la Guerre froide, écrit «The New York Times». A travers le monde, la course à ces plus petites armes atomiques s’intensifie. Et pour cause: comme il n’existe pas de traité international contrôlant les petites ogives, les superpuissances comme la Russie peuvent en fabriquer autant qu’elles le veulent et les déployer à leur guise. Moscou en disposerait actuellement d’environ 2000, selon Hans Kristensen, directeur du Projet d’information nucléaire de la Fédération des scientifiques américains.
Problème, leur potentiel de destruction reste élevé. Et surtout, le recours à ces mini-bombes pourrait mener à une escalade puisque l’OTAN pourrait y répondre en utilisant elle aussi la force nucléaire, selon des spécialistes de l’Université de Princeton, aux Etats-Unis.
Les missiles russes à la frontière sont-ils équipés de têtes nucléaires?
Dans le détail, l’armée russe possède par exemple le puissant système de missiles Iskander-M, dont la portée est d’environ 480 kilomètres, capable de tirer des têtes conventionnelles, mais aussi atomiques. Selon les données fournies par la Russie, l’explosion de l’un de ces missiles nucléaires correspondrait a minima à l’équivalent du tiers de celle provoquée par la bombe larguée sur Hiroshima par les Etats-Unis en 1945, qui avait tué en 103’000 et 220’000 personnes.
Avant l’invasion de l’Ukraine, des images satellites avaient montré que Moscou avait déployé des Iskander-M en Biélorussie et proche de la frontière est. À noter toutefois: à ce stade, il est impossible de savoir s’ils sont équipés d’ogives nucléaires ou non.
Autre source d’inquiétude: selon les analystes, passer d’une guerre conventionnelle à une guerre nucléaire fait partie depuis longtemps de la stratégie militaire russe et les troupes s’y sont entraînées. Une telle stratégie pourrait être déployée dans le but de reprendre la main si les pertes et les défaites sur le champ de bataille devaient être trop élevées.
«Cela devient une possibilité»
«Les chances sont faibles, mais elles augmentent», tremble Ulrich Kühn, expert nucléaire de l’Université de Hambourg, cité par «The New York Times». Et l’Allemand d’ajouter: «La guerre ne se passe pas bien pour les Russes et la pression de l’Occident augmente». Au vu de la situation, Vladimir Poutine pourrait par exemple décider de viser une zone inhabitée, en guise d’avertissement et pour montrer les dents. «Cela devient une possibilité», déplore-t-il.
Mardi, Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, a assuré que la Russie n’utiliserait ses armes nucléaires qu’en cas de «menace existentielle». «Nous avons une doctrine de sécurité intérieure, cela est public, vous pouvez y lire toutes les raisons pour l’utilisation des armes nucléaires, a-t-il développé. Et s’il s’agit d’une menace existentielle pour notre pays, alors elles peuvent être utilisées en accord avec notre doctrine.»
Cette prise de position de Dmitri Peskov était une réponse à une question de la journaliste de CNN International Christiane Amanpour. Celle-ci cherchait à savoir s’il était «convaincu» que le président russe Vladimir Poutine, dont il est très proche, n’aurait pas recours à l’arme nucléaire en Ukraine.