Nouméa
En Nouvelle-Calédonie, la vie quotidienne souffre de la crise

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Publié: 15.05.2024 à 08:56 heures
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Dernière mise à jour: 18.05.2024 à 07:06 heures
Des clients passent dans les rayons dégarnis d'un supermarché dans le quartier de Magenta, à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, le 18 mai 2024
Photo: THEO ROUBY
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AFP Agence France-Presse

La vie quotidienne des Néo-Calédoniens devient de plus en plus difficile, malgré une situation «plus calme» samedi sur la majeure partie de l'archipel, au sixième jour des émeutes causées par une réforme électorale qui a provoqué la colère des indépendantistes.

Vendredi en fin de soirée, l'arrivée de 1.000 renforts, en plus des 1.700 déjà déployés, a montré la détermination des autorités françaises à reprendre le contrôle de la situation.

Mais pour les habitants, les dégâts de plus en plus étendus et les obstacles à la circulation compliquent le ravitaillement dans les commerces, ainsi que le fonctionnement des services publics, notamment de santé.

Dans le quartier de Magenta à Nouméa, la rue principale est jonchée de débris, de voitures calcinées et de chariots brûlés, samedi, stigmates des troubles de la nuit. Elle est désormais sécurisée par un important dispositif policier, a constaté l’AFP.

Si une pizzeria et un traiteur japonais ont été réduits en cendres, le supermarché du quartier, juste à côté, a rouvert ses portes pour quelques heures seulement, avec une file d'attente de plusieurs centaines de personnes.

Le personnel y fait entrer les clients par petits groupes avec instruction de «faire ses courses en dix minutes, pour permettre à tout le monde de pouvoir se ravitailler», selon une salariée qui régulait les entrées et sorties.

- «En train de s'entretuer» -

Le danger subsiste dans les quartiers où les émeutiers sont les plus nombreux et les mieux organisés.

Dans l'un d'eux, la Vallée du Tir à Nouméa, un motard s'est tué vendredi en fin d'après-midi dans un accident de la route, selon le procureur de la République Yves Dupas.

Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie a appelé lors d'une conférence de presse à cesser barrages et barricades.

«On est en train de s'entretuer et on ne peut pas continuer comme ça», a déclaré Vaimu'a Muliava, membre du gouvernement chargé de la fonction publique.

«Des gens meurent déjà non pas à cause des conflits armés, mais parce qu'ils n'ont pas accès aux soins, pas accès à l'alimentation», a-t-il ajouté.

Depuis lundi, les violences, les plus graves survenues en Nouvelle-Calédonie depuis les années 1980, ont fait cinq morts, dont deux gendarmes et trois civils kanak, et des centaines de blessés, selon les autorités.

Le Haut-commissaire de la République, Louis Le Franc, a concédé vendredi que trois quartiers défavorisés de la plus grande agglomération du territoire, Nouméa, en majorité peuplés de Kanak, restaient aux mains de «centaines d'émeutiers». Il ne s'est pas exprimé samedi.

Le Haut-commissaire a promis la mobilisation de l'Etat pour «organiser l'acheminement des produits de première nécessité», ainsi qu'un «pont aérien» entre l'Hexagone et son archipel, séparés de plus de 16.000 km.

Selon le président de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Nouvelle-Calédonie David Guyenne, les violences ont «anéanti» 80% à 90% de la chaîne de distribution commerciale (magasins, entrepôts, grossistes) de la capitale.

Un responsable de l'hôpital de Nouméa, Thierry de Greslan, s'est, lui, alarmé de la dégradation de la situation sanitaire. «Trois ou quatre personnes seraient décédées hier (jeudi) par manque d'accessibilité aux soins», en raison notamment de barrages, a-t-il avancé vendredi.

L'Etablissement français du sang a annoncé un acheminement de produits sanguins pour répondre à une situation «critique».

Si des forces sont déployées pour sécuriser les ports et l'aéroport du territoire, désormais placé sous le régime de l'état d'urgence décrété par le gouvernement mercredi soir, les vols commerciaux restent suspendus. Selon le gouvernement local, ce sont «3.200 personnes» qui sont bloquées de ce fait, ne pouvant pas quitter l'archipel, ou y revenir.

- Enquête sur les «commanditaires» -

Le couvre-feu décrété dès mardi, entre 18H00 à 6H00 locales (9H00 à 21H00 à Paris), reste en vigueur jusqu'à nouvel ordre.

Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti a publié vendredi une circulaire demandant au parquet «la plus grande fermeté à l'encontre des auteurs des exactions».

Le parquet de Nouméa a ouvert une enquête notamment pour association de malfaiteurs visant «des commanditaires» présumés des émeutes, dont «certains membres de la CCAT», la Cellule de coordination des actions de terrain, ce collectif indépendantiste dans le collimateur du gouvernement.

Au total, depuis dimanche, 163 personnes ont été placées en garde à vue, dont 26 ont été déférées devant la justice, selon le parquet.

Dans toute la Nouvelle-Calédonie, le réseau social TikTok, utilisé par les émeutiers, est banni jusqu'à nouvel ordre.

Le montant des dégâts est de quelque 200 millions d'euros, selon des estimations locales remontant à jeudi.

La réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres a été adoptée par les députés, après les sénateurs, dans la nuit de mardi à mercredi.

Ce texte devra encore être voté par les parlementaires réunis en Congrès, sauf si un accord sur un texte global entre indépendantistes et loyalistes intervient avant.

Des discussions ont lieu à Paris sur l'avenir de cette réforme, menée sans suffisamment de concertation d'après de nombreux élus calédoniens.

La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et le président du Sénat, Gérard Larcher, avec plusieurs parlementaires de tous bords politiques, ont demandé vendredi lors d'une réunion à Matignon une mission de dialogue. Mais l'idée de reporter la convocation du Congrès qui doit entériner la réforme ne fait pas consensus, selon plusieurs sources parlementaires.

La réforme élargit le corps électoral aux scrutins provinciaux, cruciaux sur l'archipel. Les partisans de l'indépendance estiment que cette modification va réduire leur poids électoral et marginaliser «encore plus le peuple autochtone kanak».

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