La déportation de personnes civiles est l'un des crimes les plus cruels d'une guerre. Selon la responsable des droits de l'homme du Parlement ukrainien, Lyudmila Denisova, près de 1,2 million d'Ukrainiens, dont environ 200'000 enfants, ont déjà été déplacés vers la Fédération de Russie depuis l'invasion de leur pays, le 24 février dernier. C'est ce qu'elle a déclaré dans une interview à Blick: «Il (ndlr: Vladimir Poutine) les utilise à des fins de propagande. Il prétend qu'ils ont dû fuir l'Ukraine et qu'il doit les protéger. Mais le monde sait que ce n'est pas vrai.»
Divers rapports confirment cette information. Une des stratégies consisterait à ouvrir des couloirs de fuite pour la population civile de certaines des villes attaquées, mais uniquement en direction du territoire russe. Dans d'autres cas, les Ukrainiens seraient emmenés de force.
«La Russie espère qu'ils oublieront d'où ils viennent»
Qu'advient-il de ces personnes? Il est possible qu'elles soient condamnées aux travaux forcés. Nombre d'entre elles ne reverront probablement jamais leur pays d'origine.
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, s'est montré très critique envers cette tactique: «Ils déportent notamment des enfants – dans l'espoir qu'ils oublient d'où ils viennent, où se trouve leur vraie maison.»
Les idéologies sont mises à l'épreuve
La stratégie de la déportation rappelle les heures sombres de la Seconde Guerre mondiale. À l'époque, des millions de Juifs ont été mis dans des trains et emmenés dans des camps de concentration d'où ils ne sont jamais revenus.
Mais ce n'est peut-être pas l'Allemagne nazie qui a inspiré Vladimir Poutine, mais plutôt l'homme fort de l'URSS, Joseph Staline (1878-1953). Dans les années 1930 à 1950, le dictateur soviétique a déporté tous ceux qui s'opposaient à sa politique – afin de renforcer son pouvoir. «La paranoïa dont souffrait Staline, qui voyait en chacun un collaborateur des nazis, est ravivée», explique le politologue Andreas Heinemann-Grüder au magazine «Focus».
L'expert fait référence aux camps dits de filtration. Dans ces derniers, les Ukrainiens sont interrogés et leurs affaires scrupuleusement passées au crible. Les Russes chercheraient à débusquer les présumés «nazis» et collaborateurs de l'armée ou de l'État ukrainiens. Ceux qui rentrent dans le moule de l'idéologie russe obtiennent des laissez-passer et peuvent rester dans la région. Ceux qui échouent à l'examen seraient emmenés loin de la frontière. «Généralement, personne ne sait où ils vont», rapporte Andreas Heinemann-Grüder.
Jan Claas Behrends, professeur d'histoire d'Europe de l'Est au Centre Leibniz pour l'histoire contemporaine à Potsdam (All), estime que la Russie poursuit un objectif défini avec ces déportations: «Il s'agit de détruire la culture et l'identité des Ukrainiens.»
(Adaptation par Jessica Chautems)