Cela fait maintenant deux semaines que ça dure et Vladimir Poutine ne s’était manifestement pas du tout imaginé les choses ainsi. Selon de nombreux experts militaires occidentaux, le président russe Vladimir Poutine estimait que son armée allait s’emparer de l’Ukraine dans un conflit éclair, et non à l’issue d’une guerre qui semble vouloir s’éterniser.
Le fait que son armée n’ait pas pu s’emparer complètement du pays en quelques jours est apparemment une grande déception pour Vladimir Poutine. Philip Ingram, expert en sécurité et ancien officier supérieur des services secrets britanniques, déclare au «Times» que le chef du Kremlin est visiblement «très en colère» et qu’il en veut à ses services secrets.
Les généraux ressentiraient également la colère du président qui aurait des conséquences concrètes. Oleksi Danilov, 59 ans, chef du Conseil de sécurité ukrainien, affirme qu’environ huit commandants russes ont été limogés depuis le début du conflit. Moscou s’efforcerait de changer de stratégie après l’échec de sa conquête éclair.
Mauvais conseils, mauvaises décisions
Vladimir Poutine reprocherait aux services secrets de lui avoir fourni de fausses informations selon lesquelles l’Ukraine serait faible et abandonnerait facilement en cas d’attaque. «Il leur reproche de lui avoir fourni les conseils qui ont conduit aux mauvaises décisions prises en Ukraine», argumente Philip Ingram. Ces mauvaises décisions auraient conduit la Russie à déplorer plus de victimes que prévu lors de son attaque.
Il est bien sûr difficile d’obtenir des chiffres fiables sur le nombre de soldats tués. Le gouvernement ukrainien affirme que la Russie a perdu 12 000 hommes en l’espace de deux semaines. Les services de renseignement européens avancent le chiffre de 6000 à 9000. Les Etats-Unis estiment le nombre de soldats russes tués à 3000.
«Ils sont désespérés»
Après le limogeage des généraux, de nouveaux auraient été nommés. Oleksi Danilov ne croit pas que les Russes entreront dans Kiev. Et il se montre confiant. «Nous savons exactement quels sont les plans de l’ennemi en ce moment. En outre, je peux dire qu’ils sont désespérés».
Les experts s’interrogent sur la raison de la mauvaise qualité apparente des informations fournies par les services secrets avant l’invasion. Andreï Soldatov, 46 ans, qui observe les services de sécurité russes depuis deux décennies, voit une possibilité dans le fait que les services secrets pourraient tout simplement ne pas être à la hauteur de leur tâche.
N’osent-ils pas dire la vérité?
La plupart des agents russes ne feraient ce métier que parce que leurs parents ou grands-parents étaient déjà des agents. A l’inverse, les services secrets occidentaux recruteraient généralement dans des universités d’élite afin de s’assurer d’avoir «les meilleurs des meilleurs».
Une autre explication pourrait être que le FSB recueille certes de bonnes informations, mais qu’il a peur de dire la vérité à Vladimir Poutine. C’est pourquoi les responsables manipuleraient leurs rapports. «Le problème, c’est qu’il est trop risqué pour les supérieurs de dire à Poutine ce qu’il ne veut pas entendre, alors ils manipulent leurs propres informations», conclut Andreï Soldatow.
(Adaptation par Thibault Gilgen)