Il faut avoir du cran pour poser cette question à Vladimir Poutine. La journaliste américaine d'«ABC News» Rachel Scott a confronté le président russe au sujet de la répression de ses opposants politiques lors de la conférence de presse de clôture du sommet de mercredi, à Genève: «Ma question est la suivante: monsieur le Président, de quoi avez-vous si peur?»
Scott avait auparavant accusé l'homme fort de la Russie devant la présence des caméras des médias mondiaux: «La liste de vos opposants politiques qui sont morts, emprisonnés ou en prison est longue.» Aujourd'hui, a-t-elle ajouté, toute personne soutenant la personnalité d'opposition actuellement en prison, Alexeï Navalny, ne peut plus se présenter aux élections.
Poutine a qualifié l'organisation de Navalny, désormais interdite, d'«extrémiste». Il a également affirmé que son opposant avait poussé à des troubles à l'ordre public. Il y a selon lui un traitement de deux poids, deux mesures. Comme à son habitude, il n'a jamais cité le nom de Navalny, se référant à lui par «ce citoyen dont vous parlez».
Poutine botte en touche
Poutine a ensuite fait référence aux manifestations «Black Lives Matter» de l'année dernière aux États-Unis, qui ont provoqué le «chaos» et la «destruction». La Russie éprouve de la «sympathie» pour les États-Unis et ne souhaite pas voir de tels excès à l'intérieur de ses frontières, a-t-il déclaré.
Rachel Scott s'est alors emportée, reprenant le président russe sur sa pirouette: «Vous n'avez pas répondu à ma question, monsieur. Si tous vos adversaires politiques sont morts, en prison ou bien empoisonnés, n'est-ce pas un message que vous ne tolérerez pas un combat politique équitable?»
Une fois de plus, Poutine, qui se mordait les lèvres, a réussi à botter en touche. Il a fait référence à la prise d'assaut du Capitole américain le 6 janvier dernier, en rappelant à l'auditoire que les Américains étaient également sujets à des troubles à l'ordre public graves. Et que ces évènements ont été eux aussi définis comme du «terrorisme intérieur».
«Quant à la question de savoir qui tue qui et qui jette en prison», a répondu Poutine à la journaliste, «je rappelle que les gens ont pris d'assaut le Congrès américain avec des revendications politiques risquent des peines de prison allant jusqu'à 20, voire 25 ans.»
Une partie de l'échange (en anglais).
Peut-il garantir la survie de Navalny en prison?
La semaine dernière, un tribunal russe avait déclaré «extrémistes» deux organisations liées à Navalny. Les États-Unis ont condamné la Russie pour cette décision. Dans les faits, cela signifie une exclusion systématique des partisans de Navalny aux élections.
Le président américain Joe Biden s'est également exprimé devant les médias au sujet de Navalny: «Si Alexei Navalny meurt en prison, a déclaré Joe Biden, les conséquences pour la Russie seront dévastatrices.»
Quelques jours avant le sommet, Vladimir Poutine a déclaré qu'Alexeï Navalny ne serait pas traité plus mal que les autres prisonniers. Mais Poutine n'a pas non plus voulu donner la moindre garantie que Navalny sortirait vivant de prison: «De telles décisions ne sont pas prises par le président dans ce pays», a déclaré le chef du Kremlin. (kes)