Sur le sujet des douanes, Donald Trump impose son rythme, y compris contre la Suisse. Les Etats-Unis nous ont inscrits sur une liste de pays pratiquant des «méthodes commerciales déloyales». Reto Föllmi, économiste de l'Université de Saint-Gall, avertissait les lecteurs de Blick ce lundi: «Il faut prendre cette liste et l’avertissement qui l’accompagne très au sérieux.» Cette classification pourrait entraîner des droits de douane punitifs, affectant la compétitivité et les bénéfices des exportateurs suisses. Pour l'expert, c'est clair: la Suisse doit sortir de cette liste noire, le plus rapidement possible.
Ce n'est pas le seul point de friction dans les relations entre les Etats-Unis et la Suisse: les restrictions liées à l'exportation de puces destinées à l'IA, instaurées par le gouvernement de Joe Biden, suscitent également des discussions. Washington rend l'accès aux semi-conducteurs les plus avancés plus difficile pour les entreprises suisses. Contrairement à des pays comme l'Allemagne ou la France, la Suisse ne reçoit que 50'000 puces d'IA par an, une décision que le ministre de l'Economie, Guy Parmelin, et même le président de Microsoft, Brad Smith, ont critiqué.
L'UDC en appelle à Trump
Blick s'est rendu à Berne afin d'interroger les parlementaires fédéraux sur cet épineux dossier. Et à raison! Même si ces derniers sont très occupés par l'élection du successeur de Viola Amherd, la liste noire de Trump était un thème présent sur toutes les lèvres ce mardi. La centriste Elisabeth Schneider-Schneiter nous confiait: «La Suisse a également des atouts à faire valoir. Aucun autre investisseur aux Etats-Unis n'investit autant dans la recherche et le développement par emploi que les entreprises suisses.» Mais la collaboration avec les Etats-Unis est devenue imprévisible à cause de Trump, ajoute-t-elle. C'est pourquoi elle demande: «Un accord commercial comme celui avec l'Inde ou la Thaïlande et surtout la stabilisation de la collaboration avec l'UE», des démarches qui sont plus «importantes que jamais pour les entreprises suisses».
Le conseiller national UDC Roland Rino Büchel, appelle, quant à lui, à la sérénité. «Les menaces de Trump et son délégué au Commerce ne doivent pas être exagérées. Tenons-nous en à notre approche éprouvée de la politique étrangère: rester cool, et ne pas s'emporter». La Suisse doit expliquer une fois de plus aux Américains que notre pays se porte bien parce qu'il a une structure fédéraliste. «Les gens ici sont bien formés, travailleurs et encore relativement libres. Ce ne sont pas des méthodes commerciales déloyales, Monsieur Trump!»
Le dossier met d'accord UDC et PS
Sur ce sujet, l'UDC et le PS sont pour une fois d'accord: la situation actuelle exige une réaction prudente et réfléchie de la Suisse, nous estime la conseillère nationale PS Farah Rumy. «La Suisse doit coordonner sa position de manière équitable avec les pays voisins et s'assurer qu'elle ne subit aucun désavantage de cette nouvelle dynamique économique. C'est justement en période d'incertitude qu'il est important de renforcer nos partenariats internationaux.» Le principal partenaire commercial reste l'Europe, et une étroite collaboration avec l'UE est essentielle pour garantir la stabilité économique et la prospérité, selon la politicienne du parti à la rose.
De son côté, le conseiller national PLR Hans-Peter Portmann critique frontalement la liste américaine: «Les critères qui permettent de figurer sur cette liste de contrôle sont très rudimentaires et sujets à interprétation.» La semaine dernière, il a reçu une délégation américaine au Palais fédéral et a approfondi la thématique des relations économiques entre les deux pays. «La Suisse doit maintenant montrer que notre balance commerciale avec les Etats-Unis ne doit pas être considérée de manière unilatérale. Et que l'échange de prestations de service, dont les Etats-Unis profitent excessivement, doit également être pris en compte.»
Le PLR et Avenir Suisse font pression pour un accord avec Trump
Toujours est-il que Hans-Peter Portmann laisse entendre que la délégation américaine avait envoyé des signaux positifs, le fait que la Suisse veuille négocier un accord économique ou commercial global ou sectoriel aurait été bien accueilli par l'administration Trump. Il ajoute: «Il sera également important, en tant que signal à Washington, que le Conseil national transmette lors de la session de juin la motion du PLR qui demande au Conseil fédéral d'entamer maintenant des discussions exploratoires avec les Etats-Unis.»
Accord envisageable?
Le groupe de réflexion libéral Avenir Suisse est du même avis: «Nous devrions en tout cas éviter la 'bonne télévision' sous les projecteurs et miser plutôt sur un 'good deal' en arrière-plan», nous précise Lukas Schmid, membre d'Avenir Suisse. Un accord de libre-échange global serait certes difficile à conclure, car la Suisse devrait faire des concessions dans le domaine agricole qui ne seraient pas susceptibles d'obtenir une majorité en politique intérieure.
Mais selon lui, un accord sectoriel est envisageable. «Avenir Suisse saluerait une reprise des discussions exploratoires. Pas seulement du point de vue de la politique économique. Ils seraient aussi le signe que les Etats-Unis, contrairement aux signaux actuels, ne se ferment pas à l'ordre fondé sur des règles.»
Ueli Maurer avait échoué
Ce ne serait pas une première. Une tentative en 2006 a échoué en raison de l'opposition du secteur de l'agriculture. Les négociations ont été reprises pendant le premier mandat de Trump et ont culminé en 2019 par une visite du président de la Confédération de l'époque, Ueli Maurer. Trump se serait montré ouvert à un accord lors de la discussion dans le Bureau ovale, à condition que la Suisse trouve une solution avec le secteur agricole. Cela n’a pas été réalisé à temps. Lorsque Biden a pris ses fonctions en janvier 2021, le sujet a été mis de côté. Le prochain essai pourrait donc suivre maintenant.