Le 17 mars dernier, Yuri N.* et son père se rendaient à vélo à Boutcha pour se réapprovisionner en médicaments et en nourriture. Ils ont été arrêtés en cours de route par des soldats russes. Le père du garçon de 14 ans n'est jamais retourné chez lui.
Ce sont la belle-mère et l'enfant lui-même qui racontent cette scène terrible. Selon la première, le père aurait tenté d'expliquer aux soldats russes qu'il ne représentait aucun danger: «Nous sommes des gens pacifiques, nous voulons juste aller chercher de l'aide.»
Yuri raconte le reste sur Spiegel TV, la télévision en ligne du magazine allemand «Der Spiegel». Les Russes ont ouvert le feu alors que son père se tournait vers lui: «Deux balles dans le cœur.» Le père a chuté, tué sur le coup. Les soldats ont alors tiré sur l'adolescent. Touché au bras, puis au doigt, Yuri est tombé à terre. «Quand je me suis retrouvé sur le ventre, ils ont tiré sur ma tête», raconte-t-il.
Il était allongé à côté de son père abattu
C'est là que le destin a joué un de ces tours dont il a le secret. L'un des soldats a visé la capuche de son pull, mais dans la chute de Yuri, celle-ci est restée figée avec un espace entre elle et le crâne de l'adolescent. Le militaire a alors tiré, croyant toucher la tête du garçon, mais la balle passait à quelques centimètres de sa cible.
Yuri n'a plus bougé d'un millimètre, faisant le mort près de son père, dans une mare de sang. Les soldats ont passé leur chemin, et Yuri a alors pu s'enfuir jusque vers le jardin d'enfants où travaille d'ordinaire sa mère.
«Papa n'existe plus. Papa a été tué»
Les éducatrices ont soigné les blessures de Yuri N. et lui ont donné des analgésiques. Plus tard, elles l'ont accompagné à la maison chez sa mère, qui ne travaillait pas ce jour-là et attendait son mari et son fils. «Tu es seul? Où est papa?», lui demande-t-elle. Yuri a répondu: «Papa n'existe plus. Papa a été tué». Le corps du défunt a pu être récupéré avec l'aide de deux voisins, puis enterré.
Les exécutions sommaires de civils comme celles-ci ne seraient pas un cas isolé depuis l'invasion russe. Le Ministère public ukrainien enquête sur plus de 5000 cas de crimes de guerre.
* Noms modifiés
(Adaptation par Jocelyn Daloz)