L’armée russe est considérée comme l’une des plus puissantes du monde. Sur la Place rouge, les défilés militaires faisant se succéder chars, missiles nucléaires et soldats au garde-à-vous en ont longtemps témoigné. «Personne ne voudra se battre contre nous», déclarait encore en 2020 Vladimir Poutine.
En février 2022, les choses ont quelque peu changé au sein de l’opinion publique occidentale. Deux semaines après le début de l’invasion de l’Ukraine, l’hypothèse d’une guerre éclair s’est envolée et l’armée ukrainienne, pourtant bien moins équipée et formée, donne du fil à retordre aux Russes. Comment expliquer cette épine dans le pied de l’armée du nouveau tsar d’Europe?
De gros problèmes de véhicules
Tout d’abord: les véhicules de l’armée russe. Une partie d’entre eux s’est retrouvée arrêtée car enlisée dans la boue à cause de mauvaises conditions routières et météorologiques, mais aussi à cause de pannes. En cause notamment: le manque de ravitaillement en carburant. De nombreux véhicules se sont tout simplement retrouvés en rade sur le bas-côté de la route.
Et les Ukrainiens en sont bien conscients. Les convois de ravitaillement de camions-citernes font une cible de choix pour les troupes de défense ukrainiennes.
La semaine dernière, une entreprise américaine spécialisée a présenté des photos aériennes d’un convoi de plus de 60km proche de Kiev, à l’arrêt. Selon un ancien général de l’armée américaine, interviewé par CNN, le manque de ravitaillement en carburant serait une des causes de ce convoi à l’arrêt.
L’essence n’est pas le seul problème des véhicules. Le manque d’entretien et l’utilisation de pneus chinois, meilleur marché, est également en cause. De plus, il n’y a pratiquement pas de véhicules permettant un remorquage parmi les troupes d’invasion. L’équipement russe, en rade ou embourbé, tombe de plus en plus souvent entre les mains des Ukrainiens.
Des blindés pas si blindés
De nombreux chars de combat russes sont équipés de ce que l’on appelle un blindage réactif (ERA), un dispositif permettant de protéger des tirs de roquettes en provoquant une explosion avant impact. Le problème, c’est que certains lance-roquettes fournis par l’Occident peuvent percer ce blindage. «Les chars de combat russes ne peuvent pas faire grand-chose contre les armes antichars modernes», explique l’expert militaire finlandais Petri Mäkelä à «Bild».
Le Finlandais s’étonne également du manque de connaissances tactiques de base de la part de nombreux soldats. «Les unités ne protègent pas leurs flancs ou bien leurs réserves ne sont pas protégées, analyse-t-il. De plus, beaucoup de soldats ne semblent pas très motivés à vouloir se battre.» Selon l’expert, le fait qu’une partie conséquente des troupes d’invasion russes soient composées de conscrits explique cet état de fait.
Les pauvres au front
En Russie, le service militaire est obligatoire pour 12 mois. Mais les conditions y sont parfois très difficiles. De nombreuses recrues y sont maltraitées et lourdement bizutées durant leur formation. Certains cas extrêmes vont jusqu’au meurtre. Il n’est donc pas étonnant que beaucoup essaient de contourner le service militaire obligatoire. Ceux qui ont de l’argent essaient de s’y soustraire grâce à la corruption. Une bonne partie des conscrits engagés en Ukraine feraient partie des strates sociales pauvres de la société russe.
Ce n’est pas tout. Plusieurs soldats russes seraient aussi en difficulté d’approvisionnement en nourriture. Une cinquantaine d’entre eux, affamés, se seraient déjà rendus. Selon «Bild», des rapports sur cet approvisionnement défaillant se sont multipliés dès la phase de préparation de l’invasion.
Des bombes peu précises
La maîtrise de l’espace aérien est décisive dans cette guerre, notamment pour frapper des cibles au sol. Mais contrairement aux forces armées occidentales, l’armée de l’air russe ne dispose que de peu de bombes à guidage permettant une frappe précise. Pour pouvoir viser leur cible avec un minimum de précision, ils doivent voler bas, ce qui les met à portée de la défense antiaérienne ukrainienne. Ce qui expliquerait qu’un nombre conséquent d’avions de combat russes aient été descendus durant les deux premières semaines du conflit.
Mais si l’armée d’invasion russe n’est pas au top à tous les niveaux et que la guerre éclair n’aura pas eu lieu, sa taille et ses manœuvres ont prouvé qu’elle est capable de conquérir du terrain. Selon les informations du renseignement américain, les 150’000 soldats russes mobilisés à la frontière seraient désormais tous sur le sol ukrainien. De plus, Vladimir Poutine peut compter sur d’autres combattants pour venir renforcer ses unités, comme plusieurs mercenaires syriens «prêtés» par son allié Bachar al-Assad.
(Adaptation par Alexandre Cudré)