L’offensive de la Russie en Ukraine se voulait une «guerre éclair», le conflit s’est enlisé. Près d’un an après l’invasion russe, la question de savoir à quoi pourrait ressembler la fin de la guerre reste entière. Pour l’heure, les experts s’attendent plutôt à un regain du conflit. La guerre «ne montre assurément aucun signe d’être près de se terminer, constate Jon Alterman, expert au centre de réflexion américain CSIS (Center for Strategic and International Studies). Chaque camp a le sentiment que la période lui est favorable, et que baisser les armes maintenant est une erreur.»
Dans le camp russe en effet, l’armée, qui a enregistré quelques succès récemment dans le Donbass, pourrait lancer une offensive d’ampleur au printemps. Dans le camp ukrainien, la volonté de reconquérir les territoires perdus reste intacte, le soutien des États-Unis et des pays de l’Union européenne, pour le moment indéfectible. Le président français, Emmanuel Macron, a assuré tout récemment son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, de sa détermination «à accompagner l’Ukraine vers la victoire». Quelle pourrait être l'issue de ce conflit? Voici quatre scénarios probables.
Scénario 1: L’Ukraine l’emporte partiellement
Liana Fix, experte au Council on Foreign Relations (CFR), un centre de réflexion américain, ne croit pas en une victoire de la Russie. Elle s’attend à «quelques avancées» de l’armée ukrainienne tout en doutant de sa victoire totale, car le président russe Vladimir Poutine ne concédera jamais la défaite. Mais une mobilisation «massive» pour étoffer l’armée russe signifierait des besoins énormes en entraînements, équipements, nourriture, domaines dans lesquels Moscou a été en échec «jusqu’à présent», souligne-t-elle. Ce n’est pas tant la quantité que la qualité qui fera la différence.
Le type d’armes qui vont être livrées à Kiev sera aussi déterminant. Des équipements comme des obus de plus longue portée pourraient «permettre à l’armée ukrainienne de briser ce cycle d’attaque-contre-attaque-défense, d’affaiblir la capacité de régénération russe et d’obtenir une victoire décisive», estime Dimitri Minic, chercheur au centre Russie de l’Ifri, l’Institut français des relations internationales.
Scénario 2: Un changement de pouvoir en Russie
Jens Alterman du CSIS peut imaginer un gouvernement de transition à Moscou qui mettrait fin à la guerre ou proposerait une trêve. Mais il estime qu'«il est trop prématuré» pour dire à quoi ressemblera la fin de cette guerre qui a connu plusieurs développements inattendus.
Volodymyr Zelensky a présenté un plan de paix en dix points qui prévoit la reconnaissance par la Russie de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et le retrait de toutes les troupes russes. Selon Dimitri Minic, la Russie pourrait accepter temporairement une Ukraine indépendante dirigée par des démocrates pro-UE et pro-OTAN, «en échange d’une reconnaissance des conquêtes russes en Ukraine». Or, les experts s’accordent à dire que l’Ukraine ne serait en aucun cas prête à cela.
Scénario 3: L’utilisation d’armes nucléaires
Dans ce conflit, la grande incertitude entoure la menace nucléaire. Celle-ci s’est révélée être du «bluff» l’an passé, remarque Liana Fix. Elle redeviendrait néanmoins «très sérieuse» si la Crimée était récupérée par l’Ukraine, reprend Dimitri Minic. Dans un tel scénario, le risque de 'révolution' en Russie pourrait être «à son comble», en raison de la peur de l’arme atomique et de ses conséquences irréversibles et parce que recourir au nucléaire serait un aveu de faiblesse du Kremlin.
Toutefois, pour Liana Fix du CFR, le «scénario le plus probable» est la poursuite de batailles localisées. L’Ukraine pourrait alors devenir «un nouvel Israël sans l’arme nucléaire». Dans ce scénario, l’équilibre général du conflit serait peu voire pas modifié, la Russie contrôlerait toujours la Crimée (sud) notamment, annexée en 2014, et l’Ukraine continuerait à résister.
Scénario 4: Un changement de pouvoir à l’Ouest
Dans tous les cas, 2023 pourrait être un tournant dans ce conflit à l’approche des élections législatives en Ukraine en octobre et des élections présidentielles de 2024 aux États-Unis. Le soutien américain, indispensable dans cette guerre, est sécurisé cette année mais le vote au Congrès d’un nouveau programme d’aide est plus incertain, résume Liana Fix.
Et alors que les gouvernements européens pourraient être, eux, confrontés à la lassitude de l’opinion et la contestation politique face à une guerre qui n’en finit pas, l’Ukraine est condamnée à enregistrer «des avancées majeures» cette année, conclut Liana Fix.
(Avec AFP)