Jugement en salle d'audience
Trump a-t-il violé la Constitution?

Les juges excluent Trump des élections primaires dans l'Etat américain du Colorado. Qu'est-ce que cela signifie pour les présidentielles? Analyse.
Publié: 20.12.2023 à 16:01 heures
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Donald Trump s'est montré combatif mardi lors d'un meeting dans l'Iowa.
Photo: AFP
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Peter Hossli

Donald Trump a-t-il fomenté un putsch? Les plus hauts magistrats américains devraient bientôt se pencher sur cette question. Si la majorité d'entre eux sont d'avis que oui, Trump ne pourra plus jamais exercer de fonction publique. S'ils disent non, l'ancien président aura de bonnes chances de revenir à la Maison-Blanche. La décision sera prise dans la salle d'audience, selon un sens du spectacle bien américain. 

L'Amérique est un «pays d'avocats et de juges», a noté l'érudit français Alexis de Tocqueville après un voyage aux Etats-Unis. Tout le contraire de la vieille Europe, où les coutumes, les baillis et les évêques déterminaient le quotidien. Dans le Nouveau Monde, c'est la Constitution qui dicte tout.

Celle-ci est en vigueur en 1787, et doit aujourd'hui faire face à un grand test. Par un verdict de 4 voix contre 3, la Cour suprême du Colorado a décidé hier que Trump était exclu des élections primaires dans leur Etat. Ils fondent leur décision sur la section 3 du 14e amendement de la Constitution américaine. Selon cet article, toute personne ayant prêté serment à la Constitution et ayant ensuite «fomenté une rébellion» ne peut plus jamais occuper une fonction au sein de l'Etat. Il est incontestable que ce jugement est explosif, et pose la question de savoir si Trump doit effectivement faire appel.

La Constitution à l'épreuve

Selon les juges suprêmes du Colorado, Trump a violé le 6 janvier 2021 le 14e amendement de la Constitution. A l'époque, des milliers de personnes avaient pris d'assaut le bâtiment du Parlement à Washington pour empêcher les ratifications de l'élection de Joe Biden comme 46e président des Etats-Unis. «Le président Trump ne s'est pas contenté de fomenter l'émeute, peut-on lire dans le jugement du Colorado. Même lorsque le siège du Capitole battait son plein, il a continué à le soutenir.» Ses actions ce jour-là «constituaient une participation ouverte, volontaire et directe à l'insurrection».

Trump a immédiatement fait savoir que le jugement était «politiquement motivé». Ses avocats feront appel de la décision.

Pour l'instant, cette situation ne s'applique qu'au Colorado. Dans d'autres Etats, les tribunaux n'ont pas accepté des plaintes similaires de l'organisation citoyenne «Citizens for Responsibility and Ethics». Dans le Michigan, une plainte est encore en suspens. Trump a maintenant jusqu'au 4 janvier 2024 pour faire appel auprès de la Cour suprême, à Washington. Il devra bien réfléchir avant de franchir le pas. S'il ne fait pas appel, son nom n'apparaîtra pas sur les listes électorales du Colorado.

Les juges décident du droit de résidence à la Maison-Blanche

S'il fait appel, les élections américaines prendront un certain tournant avant qu'un seul vote n'ait eu lieu. Comme en 2000, neuf juges auraient plus de pouvoir sur le droit de résidence à la Maison-Blanche que les quelque 170 millions d'électeurs américains. Si le tribunal approuve le jugement du Colorado, Trump serait interdit d'exercer des fonctions politiques dans les 50 Etats.

Les juges devraient examiner si Trump a effectivement violé le 14e amendement, c'est-à-dire s'il a fomenté une insurrection. Cet amendement a été introduit dans la Constitution en 1868, à la suite de la guerre civile qui avait presque déchiré la jeune nation de l'époque. Les législateurs voulaient exclure les personnes séditieuses de la fonction publique. Jusqu'à présent, l'amendement a rarement été appliqué, il est formulé de manière vague et la présidence n'est pas expressément mentionnée. Dans les universités, les spécialistes du droit public discutent toutefois depuis le 6 janvier 2021 pour savoir s'il s'agissait d'un coup d'État. Si oui, Trump en est responsable.

Le jugement du Colorado pousse les questions des salles de cours vers les salles d'audience. Ici, les obstacles sont plus élevés. Si les juges de Washington rejettent l'appel, Trump ne serait exclu des élections primaires que dans le Colorado. Il n'aurait pas besoin de ces voix pour devenir le candidat des républicains.

Toutefois, la tempête du Capitol semble avoir une importance nationale considérable, de sorte que le tribunal sera sans doute poussé à accepter l'affaire. L'avantage sera alors du côté de Trump. Six des neuf juges sont considérés comme conservateurs. Ils interprètent la Constitution de manière traditionnelle et refusent toute ingérence politique. Trois d'entre eux ont été nommés par Trump lui-même. Il peut sans doute compter sur leur loyauté. Et parmi ses partisans, sa popularité a augmenté après chaque attaque devant le tribunal.

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