«Aujourd'hui, je suis en colère.» Sa voix est pourtant remarquablement calme au téléphone. Guillaume Briquet nous appelle de la zone de conflit ukrainienne. L'appel vidéo ne passe pas, il faudra se contenter d'un appel classique. Le Genevois revient pour Blick sur l'attaque par les forces russes dont il a fait l'objet ce week-end, alors qu'il était en reportage dans le sud du pays pour le compte d'un média dont il taira le nom.
«J'ai l'habitude des zones de conflits et me suis déjà fait tirer dessus, mais là, que ça vienne de forces officielles..», nous lâche-t-il, sans finir sa phrase. Il a été attaqué alors qu'il roulait dans une voiture clairement estampillée «presse». Un drapeau suisse ornait son tableau de bord. «Ils ont tiré sans sommation depuis le côté de la route.» Deux balles tirées au niveau de la tête: «C'était donc pour tuer.» Deux autres visent le siège passager. Les tirs étaient croisés et ont traversé le véhicule en diagonale, nous explique-t-il. Il arrête immédiatement le véhicule. Surgissent alors une dizaine d'hommes en uniforme non marqués, mais qui lui rappellent celui des Spetsnaz, des forces spéciales russes qui s'infiltrent derrière les lignes ennemies. «Ils étaient tout près, je ne roulais pas vite.» Il décide de sortir immédiatement du véhicule, par peur que ces gestes à l'intérieur de l'habitacle, moins visibles, ne soient mal interprétés. Il crie «Journaliste!», avant de demander de quel camp sont les soldats qui le tiennent en joue. «Ruskii», lui répond-on.
Il refuse de leur céder son appareil photo
Cela fait sens pour lui: certains d'entre eux ont des traits asiatiques, chose rare parmi les forces ukrainiennes, nous assure-t-il. Ils commencent par vider sa voiture, mangent sa nourriture, empochent son argent. «Je me suis fait attaquer par des voyous!», s'énerve-t-il. Ce n'est que lorsqu'ils s'en prennent à son matériel photographique qu'il se défend: «Je leur ai dit que s'ils me prenaient mon appareil, ils pouvaient aussi bien me tuer, je ne partirai pas sans.» Les soldats finissent, à son grand étonnement, par le lui rendre et lui laissent également ses téléphones portables. En revanche, il ne récupèrera ni son ordinateur, ni ses disques dur externes.
Briquet restera pour travailler
Entre temps, Guillaume Briquet a été pris en charge dans un hôpital ukrainien et la police locale. Ses blessures sont superficielles: des éclats de verre dans le bras, qu'on lui a retirés dans la nuit de dimanche à lundi. «Je suis content d'être vivant», nous dit-il. Nous nous montrons admiratifs face à son sang-froid extraordinaire, il déclare alors: «Dans ces moments-là, on fonctionne à l'instinct et à l'adrénaline. Visiblement, je n'ai pas trop mal réagi.»
Le journaliste n'a pas, pour l'instant, l'intention d'être rapatrié. Il nous confie vouloir continuer à travailler, dès qu'il pourra remettre la main sur un ordinateur. Il constate également la futilité de fuir le pays, à l'heure actuelle: «les bouchons s'étendent sur des centaines de kilomètres. Alors si c'est pour rester deux ou trois jours bloqués, autant rester et travailler». Sa seule crainte: une attaque russe de la ville où il se trouve. Des avions de chasse russes Mig ont survolé la zone ce matin.