«La situation est encore pire que prévu, même si nous nous attendions à des anomalies de température grâce aux prévisions (météo) à long terme», explique à l'AFP Jesus San Miguel, coordinateur du Système européen d'information sur les feux de forêt (EFFIS). Pour lui pas de doute: «la vague de chaleur est déterminante (dans la situation) et clairement liée au réchauffement climatique».
Dans les 27 pays de l'Union européenne, les incendies ont ainsi ravagé au total 517'881 hectares depuis le début de l'année (chiffres du 16 juillet), soit un peu plus de 5000 km2, largement plus que la surface du canton de Vaud (presque 4000 km2).
Pour toute l'année 2021, pourtant marquée par de nombreux incendies en Italie et en Grèce, 470'359 hectares (4700 km2) avaient brûlé dans les pays de l'UE, selon les données compilées par EFFIS depuis 2000.
Si la tendance se poursuit, 2022 pourrait ainsi égaler ou dépasser 2017, pire année enregistrée dans l'UE depuis la création d'EFFIS, qui avait vu 988'087 hectares de végétation partir en fumée, soit près de 10'000 km2 ou la superficie d'un pays comme le Liban.
Dans les pays les plus affectés par les récentes canicules de juin et juillet, près de 40'000 hectares ont brûlé en France depuis le début de l'année, contre un peu plus de 30.000 pour toute l'année 2021, plus de 190'000 hectares en Espagne, contre presque 85'000 en 2021, et plus de 46'000 au Portugal contre plus de 25'000 en 2021.
Plus loin, la Roumanie a également été durement touchée, avec 149'264 hectares brûlés contre 20'364 en 2021.
Durée remarquable
A l'inverse, l'Italie ou la Grèce, très durement frappées l'an dernier, ont pour l'instant plutôt été épargnées: 25'103 hectares brûlés contre 150'552 en Italie, 7'810 contre 130.058 en Grèce.
Mais sous la canicule qui a touché l'ouest du continent, près de l'Atlantique, même des pays peu habitués à de tels incendies voient les surfaces touchées s'envoler. Comme la Grande Bretagne où la température a pour la première fois dépassé 40°C cette semaine. Un peu plus de 20'000 hectares y ont brûlé depuis le début de l'année, contre un peu plus de 6000 en 2021, selon EFFIS.
«Nous savions que ce serait un été difficile et nous nous attendons à ce que ça se poursuive, nous n'en sommes même pas à la moitié de la saison des feux», souligne M. San Miguel. «Auparavant, la saison se concentrait de juillet à septembre, maintenant nous avons des saisons plus longues et des feux très intenses».
«Ce qui est remarquable, c'est la durée pendant laquelle ils brûlent», abonde Mark Parrington, responsable scientifique du service européen de surveillance de l'atmosphère Copernicus (CAMS).
«Ce ne sont pas des phénomènes que nous voyons habituellement en Europe,» poursuit-il, mais sous l'effet du réchauffement, les sols et la végétation se dessèchent et «il y a beaucoup de combustible».
Avec ces changements de conditions physiques, «il y a une tendance nette à la hausse du risque d'incendie en Europe du sud et centrale», souligne le spécialiste.
Ces incendies plus nombreux et intenses affectent la qualité de l'air respiré par les populations. Dans le sud-ouest de la France, les fumées, chargées de particules et de dioxyde d'azote, ont ainsi été ressenties à Bordeaux, dont l'agglomération compte plus de 800'000 habitants, et même à Paris, à plus de 500 km.
Et en brûlant, les forêts émettent par ailleurs du CO2, un des gaz à effet de serre contribuant au réchauffement climatique. Dans des quantités aux effets négligeables dans l'absolu concernant l'Europe. Mais les arbres disparus n'absorberont plus non plus de carbone.
(AFP)