La boue, le froid et le manque de nourriture - voilà le quotidien de nombreux Russes mobilisés de force. Mais apparemment, tous ne sont pas logés à la même enseigne, littéralement. Certaines troupes bénéficient d'un meilleur confort et ne vivent pas dans des conditions aussi difficiles. Selon les rapports, les soldats du chef tchétchène Ramzan Kadyrov en font partie.
Ceux-ci seraient autorisés à passer la nuit dans des hôtels, alors que les autres soldats sont obligés de vivre dans des baraques ou des tentes. C'est ce que raconte l'épouse d'un soldat russe à la chaîne Telegram We can explain. Son mari aurait également dit cela à un psychologue militaire qui l'aurait interrogé sur sa position vis-à-vis de la guerre.
«Mon mari est franc. Il a exposé ses observations sur toute cette guerre, c'est-à-dire que la population locale est contre l'occupation, que les Kadyrovites (comme on appelle la troupe de Kadyrov, ndlr.) et autres unités d'élite vivent dans des hôtels, tandis que les simples soldats vivent dans des casernes dans des conditions terribles, sans soins ni nourriture», raconte l'épouse.
«On ne peut pas vivre longtemps dans de tels trous à rats»
Jeudi, un autre portail d'information a publié une vidéo de mobilisés venant de Tcheliabinsk, stationnés près de Svatove dans la région de Lougansk. Les soldats se plaignent du froid, de l'humidité et pestent contre leurs supérieurs. «Il y a des gouttes qui tombent du plafond et nous avons dû mettre un film plastique pour que nous puissions au moins nous réveiller au sec, explique le soldat. On comprend pourquoi les soldats partent. On ne peut pas vivre longtemps dans de tels trous à rats.»
Le média tchétchenne «Kavkaz Realii» a rapporté il y a deux mois que les Kadyrovites jouiraient en fait d'un statut spécial et que c'est pour cette raison qu'il y a régulièrement des accrochages avec les soldats russes. «Parfois, il y a des disputes pour la nourriture, parfois pour la propriété», a déclaré le portail en citant une source proche de l'armée.
Oleg Orlov, militant de l'organisation de défense des droits de l'homme Memorial, aujourd'hui interdite et fermée, attribue également les conflits fréquents entre les Kadyrovites et les autres troupes à la répartition inégale de l'équipement. «Ils sont mieux armés que les autres unités.» Cela provoque une jalousie qui se transforme en haine sur les campements délabrés.
A peine sur le front
Selon les informations du ministère ukrainien de la Défense, les Tchétchènes ne seraient en outre guère en première ligne, mais se tiendraient bien plus à l'arrière des troupes. Leur mission consisterait à servir de barrage et à arrêter ou, en cas de besoin, abattre les déserteurs qui ne veulent pas mourir en première ligne «comme de la chair à canon».
Les services secrets ukrainiens ont par ailleurs rapporté que les Kadyrovites auraient tué plus d'une douzaine de blessés russes dans la région de Kiev en mars, afin de ne pas avoir à s'occuper de leur évacuation. Ces informations ne peuvent toutefois pas être vérifiées de manière indépendante.
Le service de renseignement vise les soldats mécontents
Selon l'épouse du soldat, son mari a eu des ennuis à cause de ses plaintes contre les soldats tchétchènes et son mécontentement général de la guerre. Il aurait été convoqué au bureau du service de renseignement russe FSB, raconte-t-elle sur la chaîne Telegram We can explain. D'autres militaires mécontents auraient aussi été convoqués et interrogés.
Depuis décembre, un nouveau décret du FSB est entré en vigueur. Selon ce document, «pour des raisons de sécurité», pratiquement aucune information sur l'armée, y compris le «climat moral et psychologique au sein des troupes», l'état de l'approvisionnement militaire et ses besoins, ne doit être divulguée.
(Adaptation par Lliana Doudot)