Tous les pays membres de l'ONU sont réunis depuis 21h00 à New York en assemblée générale d'urgence pour débattre d'une résolution de condamnation de l'annexion de régions ukrainiennes par Moscou. Avec cette résolution, qui pourrait être mise au vote mercredi, les Occidentaux espèrent montrer que la Russie du président Vladimir Poutine est isolée sur la scène internationale.
Mais ce sont les frappes de lundi matin qui ont dominé la réunion et les deux pays en guerre ont croisé le fer devant les Nations unies. «La Russie a encore une fois prouvé qu'elle était un Etat terroriste que l'on doit dissuader de la plus forte des manières», a martelé l'ambassadeur ukrainien à l'ONU Sergiy Kyslytsya.
En réponse, son homologue russe Vassili Nebenzia a comparé le régime de Kiev à la «plus scandaleuse des organisations terroristes», deux jours après l'explosion - un «sabotage» selon Moscou - qui a sérieusement endommagé le pont russe de Crimée.
Les civils «paient le prix le plus élevé»
Avant l'assemblée générale, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, «profondément choqué», a dénoncé les bombardements russes: «une nouvelle escalade inacceptable de la guerre» dont les civils «paient le prix le plus élevé».
Le président américain Joe Biden s'est insurgé contre la «brutalité absolue» de son homologue russe, tandis que la diplomatie européenne a dénoncé des «attaques barbares». Les services de secours ukrainiens ont fait état d'un bilan provisoire de 11 morts et 89 blessés à travers le pays mais l'ambassadeur Kyslytsya a parlé de 14 civils tués et 97 blessés.
Avant ces frappes, l'ONU avait décidé de porter le dossier des annexions de régions ukrainiennes devant son assemblée générale - où chacun des 193 membres ont une voix, sans veto - après que la Russie eut bloqué un texte similaire au Conseil de sécurité le 30 septembre.
Le projet de texte vu par l'AFP condamne les annexions «illégales» des régions ukrainiennes de Donetsk, Lougansk, Zaporijjia et Kherson après des «prétendus référendums» et souligne que ces actions n'ont «aucune validité» au regard du droit international. Il appelle également à ce que personne ne reconnaisse ces annexions et réclame le retrait immédiat des troupes russes d'Ukraine. Dans une lettre à tous les Etats membres, la Russie a attaqué «les délégations occidentales» dont les actions «n'ont rien à voir avec la défense du droit international».
La séance à l'assemblée générale a été perturbée par une bataille de procédures lancée par Moscou pour obtenir, en vain, un vote de la résolution à bulletin secret, une procédure inhabituelle réservée en principe aux élections par exemple des membres du Conseil de sécurité.
«Une dangereuse escalade»
Antonio Guterres avait aussi dénoncé les annexions de territoires ukrainiens: «Cela bafoue les buts et les principes des Nations unies. C'est une dangereuse escalade. Cela n'a pas de place dans le monde moderne. Cela ne doit pas être accepté», avait-il martelé le 29 septembre.
Les propos du chef de l'ONU «prouvent bien que ce n'est pas une question de l'Occident contre la Russie», a commenté un responsable américain. Lors du vote au Conseil de sécurité, aucun pays n'avait pris le parti de la Russie, mais quatre (Chine, Inde, Brésil et Gabon) s'étaient abstenus.
Alors que certains pays en développement s'agacent que l'Occident concentre toute son attention sur l'Ukraine, d'autres pourraient leur emboîter le pas cette semaine.
Le vote permettra d'évaluer le degré d'isolement de la Russie. Les efforts des défenseurs du texte pour convaincre les potentiels abstentionnistes vont ainsi bon train. En visite en Afrique, le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba a dit «exhorter l'Afrique à ne pas rester neutre» lors du vote, selon un communiqué de l'ambassade d'Ukraine à Dakar.
«Je pense qu'on en aura plus»
«Cela va être dur. La résolution contre l'annexion de la Crimée en 2014 avait recueilli une centaine de votes. Je pense qu'on en aura plus cette fois», a confié un responsable européen, tablant sur 100 à 140 voix pour.
Les deux premières résolutions de l'Assemblée générale contre l'invasion russe en mars avaient recueilli 141 et 140 voix pour, cinq contre (Russie, Bélarus, Syrie, Corée du Nord et Erythrée) et entre 35 et 38 abstentions.
La troisième fin avril, qui suspendait la Russie du Conseil des droits de l'Homme, s'était traduite par un effritement de l'unité internationale face à Moscou, avec beaucoup plus d'abstentions (58) et de voix contre (24) face à 93 voix pour.
(ATS)