Le nouveau Premier ministre français François Bayrou fait face à un premier test jeudi avec l'examen à l'Assemblée nationale d'une motion de censure. Celle-ci a peu de chances d'être adoptée mais donnera une idée des rapports de force avant l'épreuve du budget.
Dans un contexte d'instabilité inédite depuis des décennies et alors que la France n'a toujours pas de budget pour cette année, les députés examinent dans l'après-midi la 150e motion de censure de la Ve République, en vigueur depuis 1958. Le texte a été déposé par la France insoumise (LFI, gauche radicale) contre le gouvernement minoritaire formé par le centriste, devenu il y a un mois le quatrième Premier ministre en France en un an.
Il a également été signé par des députés communistes et écologistes. Mais par aucun socialiste. Au Parti socialiste (PS), malgré de longues discussions, la décision de voter ou non la motion de censure a finalement été repoussée à jeudi.
Une scène politique éclatée
Les 66 élus socialistes devront déterminer si les concessions du gouvernement, notamment l'annonce d'une négociation entre partenaires sociaux sur la question des retraites pour réviser la réforme de 2023 et l'abandon de 4000 suppressions de postes dans l'Education nationale, seront suffisantes pour arracher leur non-censure.
François Bayrou, 73 ans, navigue sur une scène politique éclatée issue des législatives anticipées, organisées après la dissolution surprise de l'Assemblée par le président Emmanuel Macron en juin. L'hémicycle se trouve désormais fracturé en trois blocs: alliance de gauche, macronistes et centristes, extrême droite. Mais aucun ne dispose de la majorité absolue.
Le Premier ministre cherche à éviter de subir le même sort que son prédécesseur conservateur Michel Barnier, dont le gouvernement a été renversé au bout de trois mois par une alliance des députés de gauche et d'extrême droite, sans parvenir à faire adopter un budget. Alors que Michel Barnier avait tenté en vain d'obtenir un engagement de «non-censure» de l'extrême droite, François Bayrou mise lui sur les socialistes.
Le RN ne devrait pas voter la censure
Si le PS choisissait de voter la censure jeudi après-midi, le gouvernement ne tomberait pas pour autant, car le Rassemblement national (RN, extrême droite) a décidé de ne pas s'y associer. Impossible alors pour ce texte d'atteindre les 288 voix nécessaires à son adoption.
Le vote de jeudi servira surtout à clarifier les rapports de force à gauche, et le positionnement du PS vis-à-vis du gouvernement Bayrou, à l'approche des échéances décisives des budgets de l'Etat et de la sécurité sociale. «Le compte n'y était pas à l'Assemblée nationale, ni hier, ni encore aujourd'hui aux questions au gouvernement», a mis en garde mercredi le chef des sénateurs socialistes Patrick Kanner.
Tractations avec les socialistes
Il a donc lancé avec eux d'intenses tractations centrées sur la réforme des retraites, qui avait provoqué de grandes manifestations en 2023, en relevant de 62 à 64 ans l'âge de départ. Soutien de la première heure d'Emmanuel Macron, François Bayrou a aussi pour défi de faire passer un budget pour 2025, sous la pression des oppositions et des marchés financiers.
Il a annoncé que son gouvernement visait un déficit public à 5,4% du PIB en 2025, contre 6,1% attendus pour 2024. La France a affiché la pire performance des Vingt-Sept à l'exception de la Roumanie, très loin du plafond de 3% autorisé par les règles de l'UE.