A 17 jours des élections européennes, le Premier ministre français Gabriel Attal monte sur le ring pour tenter de limiter les dégâts pour la liste macroniste, dans un duel télévisé avec le candidat d'extrême droite Jordan Bardella, qui caracole en tête des sondages.
Les deux jeunes dirigeants – 35 ans pour le Premier ministre, 28 ans pour la tête de liste du Rassemblement national (RN) –, sont deux personnalités médiatiques et ambitieuses, et leur confrontation jeudi soir, annoncée depuis des semaines, sera scrutée avec attention.
Glucksmann dénonce «un kidnapping» de l'élection
Gabriel Attal, qui ne s'est jusque là pas beaucoup impliqué dans la campagne des européennes, a été mandaté par le président Emmanuel Macron pour redresser la barre alors que les sondages sont mauvais pour la liste de la majorité présidentielle. Conduite par Valérie Hayer, inconnue du grand public, elle stagne à 15% des intentions de vote, talonnée par la liste socialiste emmenée par Raphaël Glucksmann, à 14,5%.
Ce dernier, exclu du débat, a d'ailleurs dénoncé «un kidnapping» de l'élection. Les socialistes, comme l'opposition de droite, ont saisi le régulateur de l'audiovisuel pour réclamer une égalité de traitement entre les différentes têtes de liste, Gabriel Attal n'étant pas candidat aux européennes. Raphaël Glucksmann lance jeudi après-midi à Paris, en présence du socialiste néerlandais Frans Timmermans, leader de l'opposition à l'accord de gouvernement conclu entre les libéraux et le parti d'extrême droite PVV, un «appel à la résistance contre l'extrême droite européenne», déjà publié dans plusieurs médias européens.
«Nous prenons l'engagement de bâtir une digue robuste face à l'extrême droite au Parlement européen et dans les Parlements nationaux», écrivent les signataires, qui comptent aussi le chef des socialistes belges Paul Magnette, le commissaire européen luxembourgeois Nicolas Schmit, et la présidente espagnole de l'Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen Iratxe García.
Bardella, en tête des intensions de vote
Jordan Bardella, lui, est largement en tête des intentions de vote à 31,5%, après une campagne menée sur des thèmes essentiellement nationaux -pouvoir d'achat, insécurité, immigration-, nourrissant les critiques de ses détracteurs qui pointent sa méconnaissance des dossiers européens.
Gabriel Attal ne s'en est d'ailleurs pas privé, ironisant mercredi soir lors d'un meeting avec Valérie Hayer: lors du débat sur France 2, jeudi soir, «il peut se passer quelque chose d'un peu exceptionnel: peut-être qu'il (Jordan Bardella) parlera d'Europe». «Peut-être qu'il sera capable d'avoir une vraie discussion sur l'Union européenne et sur son avenir, plutôt que de se réfugier derrière des slogans ou, à chaque fois qu'il est en difficulté, de se mettre à ânonner des contre-vérités, à changer de sujet», a insisté le Premier ministre.
«Le RN a le pire projet pour l'Europe»
«Au-delà de Jordan Bardella, on veut montrer que le RN a le pire projet pour l'Europe et qu'on est les seuls à porter un projet véritablement europhile, et à avoir un bilan positif», selon une source de la majorité. Dans le camp d'extrême droite, on estime que Jordan Bardella devra avoir «la même attitude» face à Attal que lors de son débat télévisé début mai avec Valérie Hayer, où il n'avait pas été mis en difficulté.
Le RN se félicite également d'être hissé au rang de principal adversaire et poursuit ainsi sa stratégie de dédiabolisation, entamée il y a une décennie par Marine Le Pen, rompant avec les saillies racistes et antisémites du parti fondé par son père Jean-Marie Le Pen en 1972.
Le RN se détache de l'AfD
Dans cette perspective, le Rassemblement national vient d'ailleurs de rompre avec ses sulfureux alliés allemands de l'Alternative für Deutschland (Alternative pour l'Allemagne), qui accumulent les dérapages, et laisse entrevoir un rapprochement avec la dirigeante italienne Giorgia Meloni, dont la formation d'extrême droite Fratelli d'Italia est membre du groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE).
Jusqu'ici, le RN siège à Strasbourg au sein du groupe Identité et Démocratie, aux côtés de l'AfD. Ce groupe fait l'objet d'un «cordon sanitaire» au sein du Parlement européen, aucune des autres formations politiques européennes n'étant prêt à s'allier avec lui.
Sur un plan national, le débat avec Attal «accentue la crédibilité de Bardella comme un possible Premier ministre», se félicite un cadre du parti cité par le Parisien. Marine Le Pen, très probablement candidate pour la 4e fois à l'élection présidentielle en 2027, lui a promis le poste à Matignon. Dans l'idée d'intéresser les jeunes au scrutin, le débat sera aussi retransmis sur la chaîne YouTube d'actualité Hugodecrypte, qui compte 2,66 millions d'abonnés, et sur celle de «C quoi l'info?», programme du groupe télévisuel public, France Télévisions.
(AFP)