Pêche controversée
Cette zone maritime française protégée se fait «détruire» par des chalutiers

Au large de Dunkerque, Greenpeace dénonce la pêche industrielle dans une aire marine protégée. Six chalutiers néerlandais pratiquent un chalutage légal mais destructeur, menaçant la biodiversité et l'habitat marin.
Publié: 14.12.2024 à 13:50 heures
Des militants de Greenpeace font naviguer leur navire «Witness» à côté du chalutier-usine «Carolien» dans la zone protégée Natura 2000 «Bancs des Flandres».
Photo: AFP
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AFP Agence France-Presse

Six chalutiers remontent tour à tour leurs filets, arrachant des milliers de poissons à l'aire marine protégée où ils pêchent, au large de Dunkerque (Nord). Des pratiques «destructrices» mais légales, regrettent des militants de Greenpeace, venus en voilier pour les dénoncer.

Dans le sillage de chacun de ces chalutiers battant pavillon néerlandais se dessine la même scène: des dizaines de mouettes et de goélands se posent à la surface de l'eau, prêts à attraper tout poisson relâché par les filets.

Du courtois à l'agressif

Depuis près d'un mois, le «Witness», voilier de l'ONG Greenpeace, observe quotidiennement de telles activités à l'intérieur de l'aire marine protégée «Bancs des Flandres», en mer du Nord, classée zone Natura 2000. Or «le chalutage n'est pas compatible avec la protection, selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)», explique à l'AFP Joachim Claudet, chercheur au CNRS.

Selon ce scientifique, la pêche industrielle pourrait à terme entraîner «la destruction des habitats et le manque de productivité de la zone, ainsi que l'érosion de la biodiversité».

Par l'intermédiaire de la radio, Robin Ristjouw, ingénieur à bord du «Witness», entre en contact avec l'un des chalutiers. L'échange, en néerlandais, tourne court: «Ils m'ont dit ne pas être intéressés à l'idée de répondre à mes questions», sourit ce militant écologiste de 51 ans, soulagé de n'avoir pas été insulté, comme cela a pu lui arriver les jours précédents.

«On a des réactions qui vont du courtois à l'agressif, ça dépend vraiment d'un bateau à l'autre», relate Nicolas Borchers, capitaine du «Witness».

De nombreuses espèces protégées

En trois semaines sur la zone, «on a vu des bateaux (...) néerlandais, quelques Allemands et quelques bateaux sous pavillon français mais qui sont la propriété d'entreprises néerlandaises», ajoute le capitaine.

Sur une mer agitée qui fait défaillir certains passagers du «Witness», deux zodiacs de Greenpeace approchent d'un chalutier et déroulent une banderole «Protégeons nos mers et nos océans», à laquelle les pêcheurs font à peine attention.

Non loin de là, un dauphin bondit à la surface. La zone compte également, parmi les espèces protégées, des marsouins communs, dont Greenpeace s'inquiète qu'ils se retrouvent piégés dans les filets des navires qui sillonnent la zone. «Ce qu'on veut dénoncer, c'est que ces aires marines protégées ne protègent pas», résume François Chartier, chargé de campagne Océans au sein de Greenpeace France.

Très peu de protection complète

Selon les dernières données scientifiques sur le sujet, qui datent de 2021, si la France a atteint son objectif d'inscrire comme aires marines protégées 30% de ses eaux territoriales, seulement 1,6% est sous un régime de protection intégrale ou haute. Le taux de forte protection descend même à 0,01% pour les façades Atlantique-Manche et mer du Nord de la France.

Dans des aires comme les Bancs des Flandres, «la position française est extrêmement favorable au secteur, au lobby de la pêche (...). Ces navires sont autorisés à pêcher, il n'y a aucune restriction», déplore François Chartier.

«Il n'y aura plus un poisson»

Un jour où le «Witness» est resté à quai à cause de la météo, l'équipage a observé sur les radars six «chalutiers géants», dont la longueur peut dépasser 120 mètres, simultanément, dans la zone des Bancs des Flandres, selon Greenpeace.

Cette pratique, ainsi que la pêche par des chalutiers de taille conventionnelle et la technique controversée de chalutage de fond dite de la «senne danoise», pratiquée par certains bateaux de pêche, sont toutes «destructrices» à des niveaux divers, selon Greenpeace.

Depuis l'arrivée il y a une dizaine d'années des chalutiers géants, «tout ce qui était poissons a diminué», constate Loïc Fontaine, patron de pêche de Boulogne-sur-Mer, joint par la radio du «Witness». A tel point que cet artisan pêcheur a dû «changer de métier», en passant à la pêche au bulot, qui se fait par casiers. «D'ici cinq à dix ans, [ndlr: les chalutiers géants et senneurs danois] seront obligés de changer de mer parce qu'ils auront tout mangé, là, il n'y aura plus un poisson», prédit-il.

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