Maisons de retraite perquisitionnées
Après une année noire, Orpea veut convaincre qu'il peut redresser la barre

Réputation en charpie, dette titanesque: Orpea, le groupe français de maisons de retraite médicalisées privées, a tenté de convaincre qu'il peut redresser la barre, alors que des perquisitions ont lieu dans le cadre d'une enquête pour «maltraitance institutionnelle».
Publié: 15.11.2022 à 13:28 heures
1/4
Laurent Guillot, devenu directeur général d'Orpea en juillet après le scandale et le départ de la précédente équipe, ici à l'assemblée générale le 28 juillet 2022.
Photo: Julien de Rosa

Orpea, le groupe de maisons de retraite médicalisées privées (Ehpad) dans la tourmente, a tenté mardi de convaincre qu'il peut redresser la barre, et assainir ses pratiques et ses finances. Ceci, alors qu'il est visé par des perquisitions.

Plusieurs perquisitions ont été lancées mardi matin dans des établissements Orpea, dans le cadre de l'enquête préliminaire pour «maltraitance institutionnelle», a indiqué le Parquet de Nanterre, confirmant une information de Mediapart.

Ces perquisitions, menées «dans toute la France», ont débuté mardi matin et doivent s'étaler «sur plusieurs jours», a précisé une source proche du dossier à l'AFP, les gendarmes de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP) visant un total de «plusieurs dizaines d'établissements» d'Orpea. En juin déjà, le siège du groupe et des directions régionales avaient fait l'objet de perquisitions dans le cadre de la même enquête pour «maltraitance institutionnelle», mais aussi d'une autre, ouverte pour infractions financières.

Un plan pour redresser la barre

Nouvelle politique en matière de ressources humaines, meilleur accompagnement des résidents et stratégie financière repensée sans renoncer aux marges: un plan détaillé mardi par Orpea vise à remettre sur les rails l'entreprise de 71'000 salariés, dont 26'000 en France.

Ces trois champs figuraient au cœur des dénonciations détaillées dans «Les Fossoyeurs», publié en janvier par le journaliste Victor Castanet. Le groupe qui gère plus de 350 établissements en France pour personnes âgées dépendantes fait depuis l'objet d'une enquête pour maltraitance institutionnelle et infractions financières.

Orpea compte notamment «fidéliser» ses collaborateurs en investissant dans la formation continue et la promotion interne, pour une «meilleure qualité et la sécurité des soins», selon un communiqué mardi.

Portefeuille immobilier à dégraisser

Le groupe, présent dans 23 pays dont la Suisse, veut aussi revoir sa stratégie en matière d'immobilier et se désengager de certains pays où il est peu présent, comme la Chine et des pays d'Amérique latine.

Orpea a identifié «un portefeuille d’actifs immobiliers estimé à plus d'un milliard d'euros, prêt à être cédé dès que les conditions de marché le permettront». Il prévoit à terme de détenir en propre 20 à 25% du portefeuille, contre 47% à fin 2021.

«Orpea s'est éloigné de son coeur de métier, en privilégiant un développement international et immobilier trop rapide, au prix d’un endettement excessif et d’une situation financière très fragilisée», a commenté Laurent Guillot, devenu directeur général d'Orpea en juillet après le scandale et le départ de la précédente équipe. Au total, une trentaine de cadres ont été licenciés en raison de comportements «contraires à l'éthique», a-t-il par ailleurs précisé.

Ce plan de transformation doit permettre au groupe de réaliser 9% de croissance annuelle de son chiffre d'affaires d'ici 2025 et une marge supérieure à 20% en 2025 contre 17% aujourd'hui et 25% en 2021.

Le poids d'une dette massive

Reste un obstacle financier de taille pour créer ce «nouvel Orpea»: le groupe risque de manquer de liquidités «au cours du premier semestre 2023» et ploie sous une dette massive de 9,5 milliards d'euros.

Pour pouvoir mettre en oeuvre son plan, Orpea ouvre mardi des négociations avec ses créanciers dans le cadre d'une procédure de conciliation devant le tribunal de commerce de Nanterre. Il s'agit de la seconde procédure de ce genre initiée par le groupe cette année.

La direction souhaite convertir une partie de la dette en capital et lever à nouveau de l'argent frais, de 1,9 à 2,1 milliards d'euros, en dette et en capital. Cette opération entraînerait une «dilution massive pour les actionnaires existants qui décideraient de ne pas y participer», prévient Orpea, dont le cours de Bourse a perdu 90% de sa valeur depuis janvier.

Orpea «s'attend à ce que, à l'issue de ces opérations, au moins 20% de son capital social soit détenu par des investisseurs institutionnels français à long terme», a-t-il indiqué sans donner de précision sur ces investisseurs.

L'Etat pourrait intervenir

La presse évoque l'entrée au capital de la Caisse des dépôts, le bras financier de l'Etat. L'organisme n'a pas exclu cette hypothèse, sans avancer de chiffres. Contactée par l'AFP lundi, la Caisse des dépôts indique qu'elle «examinera le dossier» lorsque «deux conditions» seront remplies: un changement «complet» des pratiques d'Orpea et un bilan «assaini».

Deux groupes français, Mat Immo Beaune et Nextstone, sont entrés au capital, à hauteur de plus de 5%, pour «accompagner» la direction dans le redressement. Mais ils s'opposent à sa stratégie pour réduire le poids de la dette. A la Bourse de Paris, le titre du groupe progressait de 1,71% à 8,35 euros en milieu de matinée (dans un marché en hausse de 0,41%).

Du côté des salariés, les syndicats «ont le sentiment que (la nouvelle direction) est à l'écoute», indiquait lundi à l'AFP Dominique Chave, secrétaire général de l'Union fédérale de la santé privée CGT.

(AFP)

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la