«ISF climatique» pour les plus riches, fin des niches fiscales «climaticides»: en prévision des débats sur le projet de budget 2025 en France, Oxfam France publie jeudi 16 propositions pour augmenter les recettes fiscales de l'Etat de plus de 100 milliards d'euros.
A l'heure où le gouvernement du Premier ministre Michel Barnier, tout juste intronisé, ouvre la porte à des hausses d'impôts ciblées pour contribuer à redresser des finances publiques très dégradées, l'ONG assure que ses mesures «permettraient de dégager au moins 101 milliards d'euros supplémentaires par an». Ceci «sans augmenter la contribution de 70% des Français parmi les plus pauvres, c'est-à-dire les personnes seules gagnant moins de 2.500 euros nets par mois», certifie Oxfam France dans un manifeste fiscal publié initialement en 2021 mais qui vient d'être mis à jour.
Pour rappel, le lourd déficit public du pays pourrait dépasser les 6% du PIB cette année, pire qu'attendu et très loin des attentes de Bruxelles, qui fixe un seuil maximal de 3%.
Les riches, les entreprises et le climat visés
Plus de 50 milliards d'euros de recettes pourraient être tirées d'«une fiscalité écologique juste», estime l'ONG.
Le manifeste suggère ainsi de réintroduire un impôt sur la fortune (ISF) et d'y ajouter une «surtaxe carbone», de façon à créer un «ISF climatique» qui pénaliserait «les multimillionnaires et les milliardaires» détenant les «actifs financiers les plus polluants».
Oxfam plaide aussi pour abolir les niches fiscales qu'elle juge «climaticides», comme celle sur le kérosène.
La réforme de la fiscalité des entreprises pourrait quant à elle rapporter «au moins» 25 milliards d'euros à l'Etat, via notamment un taux minimum mondial d'imposition des multinationales «effectif» et «plus élevé» que le taux plancher actuel de 15%, miné par des «exonérations».
L'ONG propose également de taxer automatiquement les «superprofits» des entreprises, qu'elle définit comme «les bénéfices supplémentaires réalisés par une entreprise non pas grâce à des innovations technologiques ou des gains de productivité mais en profitant de circonstances externes» (guerre, pandémie...).
Enfin, un minimum de 23,5 milliards d'euros de recettes fiscales additionnelles est attendu d'une réforme de la fiscalité du capital.
Explorer de nouvelles ressources fiscales
Alors que des institutions spécialistes des finances publiques, Banque de France et Cour des comptes, estiment que 100 milliards d'euros d'économies ou de recettes fiscales supplémentaires sont nécessaires pour ramener le déficit public sous les 3% de PIB d'ici cinq ans, Oxfam appelle plutôt à explorer de nouvelles ressources fiscales.
Sur ces recettes supplémentaires, l'ONG propose de flécher 21 milliards d'euros par an «pour mettre fin aux passoires thermiques», 14 milliards pour revaloriser le RSA (une allocation versée aux personnes privées d'emploi notamment) et l'étendre à de nouveaux bénéficiaires et 7 milliards pour financer l'hôpital public.
Selon un sondage commandé par Oxfam à l'institut Verian et également publié jeudi, 58% des répondants jugent «prioritaire» de «supprimer les niches fiscales qui bénéficient surtout aux +ultra-riches+» et 53% estiment que le rétablissement de l'ISF est une priorité.
Le nouveau ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, a récemment imputé la mauvaise santé financière de la France à la «dépense publique massive, record, pour répondre aux crises» du Covid et de l'inflation.
Celle-ci vaut à la France une procédure pour déficit excessif devant la Commission européenne, comme six autres pays de la zone euro.