La sœur de Joël Le Scouarnec, mère de deux filles victimes de sa pédocriminalité, a dénoncé jeudi «la cruauté» et les «mensonges» de l'ex-épouse du chirurgien, assurant que cette dernière était au courant des agressions sexuelles sur l'une de ses deux nièces.
Dès le début du quatrième jour du procès à Vannes du chirurgien pédocriminel, Annie, 72 ans, s'est effondrée en pleurs en évoquant les propos tenus la veille par sa belle-sœur Marie-France, entendue par la cour criminelle du Morbihan pendant cinq heures.
Cachée sous une perruque, assurant être aphone puis retrouvant sa voix, Marie-France a alterné entre agacement et arrogance devant les questions de la cour et d'avocats représentant les 299 patients de l'ex-chirurgien victimes de ses violences sexuelles, et a farouchement nié avoir jamais connu les penchants pédophiles et actes pédocriminels de son mari. «C'était insupportable, plein de cruauté envers les victimes (...) plein de mensonges», a dénoncé Annie.
Elle a ensuite déclaré que la plus jeune de ses deux filles lui avait confié dès octobre 2000 avoir subi des violences sexuelles de la part de Joël Le Scouarnec, et qu'elle avait confronté ce dernier aussitôt. Son frère aurait alors tout de suite reconnu les faits. «Oui, c'est vrai et Marie-France est au courant», lui aurait-il déclaré, selon elle. «Je n'aurais jamais assez de toute ma vie pour réparer ce que j'ai fait à (ta fille).» «Je lui ai dit 'faut que tu fasses quelque chose, que tu te fasses soigner'», se souvient Annie.
«Est-ce que notre père a eu des gestes sur toi?»
Pourquoi n'a-t-elle pas déposé plainte, demande la présidente Aude Buresi? «Je ne me suis pas rendu compte que c'était quelqu'un de dangereux.» «J'ai fait des erreurs mais je n'ai jamais menti», insiste-t-elle. Et même après une perquisition au domicile de son frère en 2004, quand les gendarmes saisissent tous les ordinateurs après un signalement du FBI sur des téléchargements de contenus pédopornographiques, «je ne fais toujours pas le lien avec le fait qu'il puisse y avoir d'autres victimes», assure Annie. Pour avoir détenu ces images, Joël Le Scouarnec sera condamné un an plus tard à Vannes à quatre mois de prison avec sursis, sans obligation de soin ni interdiction d'exercer.
«J'ai besoin de savoir comment tu en es arrivé là», dit Annie en s'adressant à son frère. «Est-ce que notre père a eu des gestes sur toi? (...) Dis-moi la vérité!», l'exhorte-t-elle, sans que la présidente ne passe la parole à l'accusé. Arrêté en 2017 pour le viol de sa voisine de six ans, Joël Le Scouarnec avait été condamné en 2020 à 15 ans de prison pour les violences sexuelles commises sur quatre enfants. Parmi eux, les deux filles d'Annie. Le médecin avait aussi reconnu des violences sexuelles, prescrites, sur une autre nièce.
Les enquêteurs attendus ce jeudi
«Pénible», «insupportable»... A la sortie de l'audience mercredi soir tard, des avocats ont dénoncé la posture de Marie-France. Pour Ophélie (prénom d'emprunt), l'une des victimes de violences sexuelles pour lesquels l'ex-chirurgien encourt désormais 20 ans de réclusion criminelle, «c'est un film d'horreur qui se passe». Marie-France «a complètement anéanti les 299 victimes. Comment peut-on en 2025 dire des propos comme cela? C'est effroyable», fustige la trentenaire.
Les témoignages de Marie-France, d'Annie, mais aussi du frère du chirurgien, de son ami le plus proche et de ses fils – déjà entendus mardi et mercredi – visent à cerner la personnalité de l'accusé et, en creux, celui de cette famille marquée par les non-dits et l'inceste. Ne manque plus que le fils aîné de M. Le Scouarnec, qui devrait être entendu lundi ou mardi.
Sont attendus jeudi en deuxième partie d'après-midi les enquêteurs ayant tiré le fil de l'interpellation du médecin en 2017 jusqu'à découvrir quelque 300 victimes. Lors d'une perquisition en mai 2017 à Jonzac (Charente-Maritime), des milliers de pages de «journaux intimes» et quelque 300'000 images pédopornographiques – dont certaines de ses propres fils et d'enfants de leur entourage – ont été saisies.
Dans ses carnets et fichiers, l'ex-chirurgien y a noté le nom, l'âge et l'adresse postale de ses victimes. Il y a aussi décrit scrupuleusement les sévices pédocriminels qu'il leur infligeait, ce qui a permis aux enquêteurs d'identifier sa multitude de victimes, de 1989 à 2014.