Une attaque, spectaculaire et rarissime en France, a été perpétrée mardi en fin de matinée par un commando qui a lancé une voiture bélier contre un fourgon au péage d'Incarville, (nord-ouest) avant d'ouvrir le feu à l'arme automatique contre ses occupants.
Deux agents sont morts et trois autres grièvement blessés. Le détenu, qui était convoyé vers sa maison d'arrêt d'Evreux (nord-ouest) après une audition au tribunal judiciaire de Rouen, a pu prendre la fuite avec ses complices.
«Nous avons mis beaucoup de moyens pour retrouver non seulement la personne qui s'est évadée (et) le gang qui l'a libéré dans des conditions ignobles», a déclaré le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin sur la radio RTL.
L'attaque, qualifiée de «choc» par le président français Emmanuel Macron, a soulevé une vague d'émotion chez les surveillants de prison qui ont lancé des actions de blocage mercredi matin devant plusieurs établissements pénitentiaires pour réclamer plus de moyens.
De «simples pistolets contre des armes de guerre»
Face au commando, les agents n'avaient qu'«un simple Sig Sauer contre des armes de guerre», a accusé Frédéric Liakhoff, responsable du syndicat FO-Justice au Centre pénitentiaire de Caen (nord-ouest). Les syndicats, qui seront reçus dans l'après-midi au ministère de la Justice, réclament notamment «la réduction drastique des extractions en favorisant l'utilisation de la visioconférence des magistrats ou leurs déplacements en établissements», «une refonte et harmonisation des niveaux d'escorte».
Dénonçant un «crime ignoble», le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti appelle à une minute de silence dans toutes les juridictions mercredi et a rencontré la veille les collègues des agents tués. «Pour certains d'entre eux ils travaillaient ensemble depuis vingt ans, naturellement ils sont effondrés», avait déclaré le ministre.
C'est la première fois depuis 1992 qu'un agent de la pénitentiaire est tué dans l'exercice de ses fonctions en France.Depuis mardi, les forces de l'ordre ont lancé une vaste traque pour tenter de retrouver le fugitif et les membres du commando.
Mardi, «plus de 450 policiers et gendarmes» ont été mobilisés «rien que pour le département de l'Eure», a indiqué Gérald Darmanin, mentionnant aussi des moyens de «coopération internationale». Il y a «énormément de traces judiciaires qui vont nous permettre de faire ce travail d'identification», a-t-il encore dit. Dénonçant une «barbarie», le ministre a par ailleurs appelé à faire le «procès de cette sauvagerie qui touche notre société», pointant du doigt le «narcobanditisme».
Mohamed Amra avait déjà été condamné à treize reprises
Le détenu en fuite, Mohamed Amra, 30 ans, a déjà été condamné à treize reprises mais «aucune à ce jour pour infraction à la législation sur les stupéfiants», avait toutefois précisé mardi soir la procureure de Paris Laure Beccuau.
La dernière condamnation en date remonte au 7 mai, par le tribunal d'Evreux (nord-ouest) «pour un vol avec effraction» qui lui a valu 18 mois de prison. Il était en outre en détention provisoire pour d'autres dossiers, dont une mise en examen dans la région de Marseille (sud-est), haut lieu du narcobanditisme en France, pour complicité d'assassinat en bande organisée, enlèvement et séquestration.
Durant sa courte détention à Evreux, où il avait été transféré en avril pour être jugé, les barreaux de sa cellule avaient commencé à être sciés, selon la magistrate. «C'est assez incompréhensible, j'ai peine à imaginer que ce garçon puisse être impliqué» dans l'attaque du commando, avait réagi l'avocat de Mohamed Amra, Hugues Vigier. Cette opération «ne correspond pas au profil que j'avais perçu de lui, s'il est impliqué, c'est que véritablement je m'étais trompé sur son fonctionnement et ce dont il était capable», a-t-il ajouté.
(ATS)