«Macron, si tu vas à Rio, n'oublie pas tes péquenots»: à bord d'une vingtaine de tracteurs et d'une trentaine d'autres véhicules, des manifestants ont bloqué deux des trois voies de circulation sur la nationale 118, qui longe la base militaire de Villacoublay, dans les Yvelines. C'est de là que le président Emmanuel Macron s'est envolé samedi pour l'Argentine, avant de se rendre au sommet du G20 prévu lundi et mardi au Brésil.
Certains des agriculteurs venus en tracteur prévoyaient de passer la nuit sur place. «Je suis principalement contre cet accord de Mercosur qui nous fait peur en tant que producteurs, mais aussi en tant que consommateurs», a expliqué à l'AFP Romain Garnier, céréalier et producteur de betteraves dans le Val-d'Oise. «Ça va être très dur comme combat», anticipe cet exploitant de 39 ans, venu en voiture avec une pancarte «Manu, arrête le Mercosur, ça rend sourd». «L'année dernière on était restés une semaine sur l'autoroute A1, on espère des mobilisations similaires», dit-il près du cortège encadré par un important dispositif des forces de l'ordre.
Avant de s'envoler pour le G20 de Rio, le président Emmanuel Macron a réaffirmé dimanche à Buenos Aires que la France ne «signerait pas en l'état» le traité de libre échange entre l'Union européenne et le Mercosur, disant vouloir «continuer» de s'y opposer. «La politique c'est de tenir ses engagements, il faut que le gouvernement tienne les siens», a déclaré la présidente de la région Ile-de-France Valérie Pécresse, venue soutenir les agriculteurs. Elle a tenté de rassurer ses interlocuteurs en faisant valoir que le Premier ministre «Michel Barnier a été un grand ministre de l'Agriculture», qui «connaît le sujet par cœur».
«Il faut qu'on ait les mêmes règles que les autres, sinon on est morts»
Si les taxes sur le carburant agricole (GNR) avaient été un des ferments de la vague de colère agricole l'an dernier, c'est l'aboutissement du projet d'accord de libre-échange de l'UE avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) qui pourrait mettre le feu aux poudres cette année. En dépit de l'opposition de la classe politique comme des acteurs agricoles français, l'UE semble déterminée à signer d'ici la fin de l'année cet accord, qui permettra notamment aux pays latino-américains d'écouler plus de bœuf, poulet ou sucre sans droits de douane en Europe.
«On nous met dans un monde de libre-échange et il faut qu'on ait les mêmes règles que les autres, sinon on est morts», déplore Damien Radet, secrétaire général de la FDSEA (fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles) Ile-de-France, présent à Vélizy-Villacoublay. «On court un 100 mètres avec un boulet au pied», image l'agriculteur de 54 ans, pour qui le mouvement naissant est appelé à «durer». «Ce soir, c'est le redémarrage de la pression qu'on va exercer sur le gouvernement», abonde Samuel Vandaele, secrétaire général FDSEA de Seine-et-Marne, qui appelle à ce que «l'agriculture et l'alimentation soient considérées à leur juste valeur».
L'alliance syndicale majoritaire FNSEA-Jeunes agriculteurs doit donner lundi le coup d'envoi officiel de ce nouveau cycle de la mobilisation agricole, avec des rassemblements et actions symboliques. «C'est aussi un combat de société pour que demain tout le monde dans ce pays puisse se nourrir de manière correcte, avec des produits sains, et qu'il y ait plus d'équité dans les normes et les contraintes que ce gouvernement et l'Europe nous imposent à nous, les agriculteurs français», a déclaré à l'arrivée du cortège le vice-président de la FNSEA Damien Greffin.