Exécutions, terreurs, gangs
Mogadiscio, capitale de la Somalie, est la ville la plus dangereuse du monde

Mogadiscio est considérée comme la ville la plus dangereuse de la planète. Le reporter de Blick Samuel Schumacher s'est rendu dans la capitale somalienne, accompagné de 16 gardes du corps lourdement armés. Même ceux-ci ne protègent pas de tous les dangers. Reportage.
Publié: 02.10.2023 à 12:35 heures
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Dernière mise à jour: 02.10.2023 à 19:12 heures
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Yuni est vendeur sur le marché aux poissons de Mogadiscio.
Photo: Samuel Schumacher
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Samuel Schumacher

«Si tu entends des coups de feu, regarde ton téléphone portable», me dit mon accompagnateur lors de ma première soirée dans la capitale somalienne. Il y a trois possibilités dans un tel cas: soit des tirs d'entraînement de l'armée, soit une exécution sur la colline juste à côté ou alors une attaque des terroristes d'Al-Shabab. «Si c'est sérieux, je t'écrirai!», me lance-t-il. 

C'est donc comme ça que cela se passe ici à Mogadiscio, la ville la plus dangereuse du monde, dans un pays au bord du gouffre. Dans la capitale somalienne, le taux d'homicides est l'un des plus élevés au monde. Les enlèvements sont monnaie courante. Ici, on n'exécute pas seulement les terroristes, mais aussi les homosexuels et les convertis qui tournent le dos à l'islam, la seule religion autorisée.

Il vaut donc mieux pour moi de mettre le volume de mon téléphone à fond et de tendre l'oreille. A ce propos, j'ai dû laisser ma boucle d'oreille à la maison, tout comme mon short. Pour les hommes, les deux sont tout simplement inimaginables dans cette ville située à l'équateur. Les femmes se promènent quant à elles voilées le long des rues, au bord desquelles les marchands proposent des vêtements et des légumes poussiéreux. La frontière entre leurs étalages et les montagnes de déchets qui s'accumulent à côté n'est pas toujours évidente.

Des touristes? Il n'y en a pas. Des représentants d'organisations internationales? Ils ne quittent leurs bureaux bunkers – situés dans la zone strictement surveillée juste à côté de l'aéroport – qu'en cas d'urgence.

Des bandes de jeunes meurtriers

Car dehors, dans les quartiers de cette métropole de cabanes en tôle ondulée, la situation devient vite dangereuse pour les visiteurs étrangers. «Je te donne cinq minutes avant de te faire attaquer ou enlever», balance mon accompagnateur qui ne veut pas lire son nom dans le journal. Selon lui, une collègue suédoise a failli être tuée récemment alors qu'elle voulait acheter un café.

On estime à deux millions le nombre d'armes à feu dans cette ville de 2,6 millions d'habitants. Les moustiques répandent le paludisme et la dengue. Le gang de jeunes «Ciyaal Weero» parcourt les ruelles en volant et en tuant avec ses machettes, afin de produire du contenu choc pour ses chaînes Tiktok. La police du pays, officiellement la plus corrompue de la planète, ne leur est d'aucune aide. C'est donc chacun pour soi.

Je suis assis sur la terrasse du toit de notre logement de haute sécurité et je regarde en bas dans la cour. Des gardes lourdement armés sont assis derrière le haut portail en acier. Un mur surmonté de fils barbelés entoure le terrain. Des coups de feu résonnent çà et là dans l'air. Pas de message sur WhatsApp. Donc juste un entraînement, ou une exécution.

Je feuillette le guide de voyage africain: Mogadiscio est une «zone absolument interdite aux voyageurs occidentaux», la «ville la plus dangereuse du monde», peut-on y lire. Dans toute la métropole, il n'y a ni distributeur automatique de billets, ni roaming de données, ni signaux lumineux, ni alcool. La vieille ville historique a été complètement bombardée pendant les 25 ans de guerre civile.

Des terroristes déguisés

Le lendemain matin, une visite chez le vice-maire est prévue. Je sors donc de l'hébergement de haute sécurité, j'entre dans un véhicule blindé, avec bien sûr un gilet pare-balles. Seize gardes du corps armés de fusils d'assaut et au regard noir sont perchés sur les camions pick-up qui sillonnent les rues de Mogadiscio devant et derrière moi. Les pistes boueuses du centre-ville seraient un rêve pour les amateurs de tout-terrain. Dehors, des silhouettes élancées vêtues de foulards colorés arpentent les rues à travers l'interminable mer de logements de fortune.

Le vice-maire Mohammed Ahmed nous attend dans son bureau éclairé de manière criarde. En janvier, des miliciens d'Al-Shabab ont pris d'assaut le palais du maire, déguisés en soldats somaliens. Des gardes corrompus les avaient laissés passer. «Les balles sifflaient autour de nous, plusieurs personnes sont mortes. Mais aujourd'hui, les problèmes de sécurité de la ville sont maîtrisés, affirme Mohammed Ahmed. Les terroristes sont partis. Les touristes sont les bienvenus.»

Comme pour le prouver, il m'invite à faire un tour du port. Mon appareil photo en bandoulière et plusieurs gardes du corps à mes trousses, je m'engouffre peu après dans une halle de marché aux poissons délabrée, sur la plage de Mogadiscio envahie d'algues. Le pêcheur Yuni montre fièrement la tête coupée d'un thon. Je prends une photo. Puis on me ramène déjà dans le fourgon blindé.

Un endroit paisible, autrefois

Prochain arrêt: l'esplanade du Peace Hotel, entourée de murs de sacs de sable et de parois en acier, pour se protéger des kamikazes. Un attentat perpétré non loin de là a fait plus de 120 morts l'année dernière. C'est ici que je trouve une boutique touristique ambulante (la boutique duty free de l'aéroport est fermée, les seules toilettes du terminal sont en panne). Elle est tenue par Ciccia. 

Cette dernière vend des cartes postales, des chaînes en argent, des maillots de foot somaliens. Mais pas de timbres. «Nous n'avons pas de poste du tout», rigole Ciccia. Je lui demande quel âge elle a: «Oh, 60, 70, 80, je ne sais pas.» En tout cas, elle a vécu assez longtemps pour se souvenir qu'ici, c'était beau et paisible autrefois. Mais c'était il y a longtemps. Désormais, la Somalie est le théâtre de l'une des pires crises humanitaires de notre époque. Blick est sur place pour vous la raconter. 

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