Ce samedi, les syndicats ont demandé à Emmanuel Macron consulter la population sur la réforme des retraites. Cette septième journée de mobilisation a connu une participation nettement moins importante que les six premières. La semaine à venir est cruciale pour l'adoption du projet parlementaire.
Le ministère de l'Intérieur a dénombré 368'000 manifestants en France, dont 48'000 à Paris, soit moins que le 16 février, journée qui a le moins mobilisé depuis le début de la contestation le 19 janvier. L'Intérieur avait alors annoncé 440'000 manifestants, dont 37'000 à Paris.
La CGT a elle compté plus d'un million de manifestants, dont 300'000 à Paris, contre 1,3 million dont 300'000 à Paris le 16 février. Le décompte réalisé à Paris par le cabinet Occurrence pour un ensemble de médias, dont l'AFP, s'élève à 33'000.
En province, les chiffres étaient quasiment partout en repli par rapport au 16: par exemple 10'000 à Toulouse selon les autorités (contre 14'000 mi-février), 2350 à Saint-Etienne (contre 4450).
Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a reconnu avant le départ de la manifestation parisienne une moindre affluence que le 7 mars, où la mobilisation avait été historique partout en France, mais la détermination est «forte», a-t-il assuré.
Rebelote mercredi
Une nouvelle journée de manifestations, la 8e, est prévue mercredi, en parallèle de la réunion de la commission mixte paritaire, au cours de laquelle députés et sénateurs pourraient s'accorder sur un texte, avant un vote définitif dans la foulée dans les deux chambres.
«J'implore ceux qui dirigent ce pays de sortir de cette forme de déni du mouvement social», a dit M. Berger, faisant part de la «sidération» des militants face à la décision du président de la République de ne pas recevoir les représentants syndicaux, comme ils en ont solennellement fait la demande dans un courrier jeudi.
Dans un communiqué samedi soir, l'intersyndicale a dénoncé le «mépris» d'Emmanuel Macron, et l'a mis au défi «d'organiser une consultation citoyenne (sur les retraites) dans les plus brefs délais».
«Puisqu'il est si sûr de lui, le président de la République, il n'a qu'à consulter le peuple. On verra la réponse du peuple», a déclaré le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez.
Le chef de file de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a réagi à cette proposition en recommandant depuis Marseille «qu'on se dirige vers une consultation du peuple lui-même pour qu'on tranche». «Il faut trouver une porte de sortie, donc nous allons en trouver une par la force», a-t-il aussi affirmé.
«Reculades gouvernementales»
Le cortège parisien, entre la place de la République et celle de la Nation, a été rapidement émaillé de tensions: jets de projectiles envers les forces de l'ordre, poubelles incendiées, vitrines caillassées... A 18h30, 32 personnes avaient été interpellées.
A l'arrivée des manifestants place de la Nation, des tensions ont eu lieu entre le service d'ordre de la CGT et des militants radicaux, et les forces de l'ordre sont intervenues pour les séparer, a constaté la journaliste de l'AFP. Le cortège et le camion de la CGT ont été «pris pour cible par les éléments radicaux», a indiqué la préfecture de police.
Des tensions ont aussi éclaté à Lyon, Rennes et Nantes.
Dans les cortèges, les manifestants se montraient toujours déterminés: «Ils nous disent «bosse et crève», nous on dit «vive la grève"», les entendait-on scander à Paris.
«On garde espoir», a assuré Philippe Anselme, 65 ans, retraité venu avec son épouse manifester à Bordeaux, (3400 manifestants selon la préfecture, 18'000 selon l'intersyndicale). «On sera peut-être dans le dernier carré de résistants, mais on sera là», a-t-il promis.
Les sénateurs ont repris samedi matin l'examen de la réforme, avant le couperet de la fin des débats dimanche minuit.
Si la réforme devrait être votée au Sénat, il semble incertain que le gouvernement parvienne à trouver une majorité de députés pour approuver le texte et il pourrait recourir une nouvelle fois à l'article 49.3 (adoption sans vote), ce qui le placerait dans une situation politique périlleuse.
«Le recours au 49.3 pour un projet de loi qui n'aura pas été discuté serait une forme de blocage démocratique inacceptable», avait prévenu mardi Laurent Berger.
Sursis
L'utilisation de cette arme constitutionnelle pourrait redonner de la vigueur à la mobilisation de la rue, et aux grèves reconductibles toujours en cours dans plusieurs secteurs clé: raffineries, énergie, ramassage des déchets, transport ferroviaire et aérien.
Selon la mairie de Paris, il y avait 4400 tonnes de déchets non ramassés dans la capitale samedi à la mi-journée, au 6e jour de la grève des éboueurs (contre 3700 tonnes jeudi). La mobilisation des aiguilleurs du ciel provoquait des retards de vols samedi. A Lyon, ils dépassaient deux heures en moyenne, selon le site spécialisé FlightAware. Plusieurs dizaines de vols ont également été annulés dans plusieurs aéroports français.
Selon un sondage Elabe pour BFMTV publié samedi, 63% des Français approuvent la mobilisation contre la réforme, mais 78% (+14 points depuis le 3 mars) pensent pourtant qu'elle sera votée et appliquée.
(ATS)