Après huit heures de discussions sous l'égide du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, les deux parties se sont séparées sans accord.
Au cœur du problème, le refus de la minorité serbe de reconnaître l'autorité du gouvernement kosovar sur l'ex-province serbe au moment où Pristina veut asseoir sa souveraineté sur l'ensemble du territoire.
Voici quelques éléments sur les relations tendues entre les deux anciens ennemis, qui constituent un obstacle majeur à leur intégration européenne éventuelle.
La dernière dispute porte sur l'immatriculation de véhicules de la minorité serbe.
Des fonctionnaires serbes quittent leur poste
Pristina a décrété que les Serbes qui roulent dans des voitures immatriculées par la Serbie, soit environ 10'000 personnes, devaient adopter les plaques de la République du Kosovo selon un plan en plusieurs phases. Après une période d'avertissements, les autorités kosovares prévoient d'infliger aux contrevenants dès mardi des amendes de 150 euros, avant une interdiction totale de rouler en avril.
La décision a provoqué l'ire des intéressés, avec des démissions massives des Serbes du Nord du Kosovo des institutions kosovares. Soutenus par Belgrade, des centaines de policiers, juges, procureurs et autres fonctionnaires ont quitté leurs postes, provoquant un effondrement de l'Etat de droit qui fait redouter un redoublement des tensions.
Des dirigeants à travers l'Europe et le chef de l'OTAN ont appelé les deux camps au compromis au moment où les Occidentaux, accaparés par la guerre menée par la Russie en Ukraine et ses conséquences économiques, veulent éviter toute nouvelle crise.
Des plaques minéralogiques et des questions d'indépendance
Selon les médias locaux, la France et l'Allemagne soutiennent une proposition de normalisation des relations bilatérales mais sa teneur reste inconnue.
Le dernier différend survient quelques mois après un accès de fièvre provoqué par une dispute sur les documents de voyage, les Serbes du Kosovo érigeant des barricades près de la frontière avec la Serbie et des policiers kosovars essuyant des tirs.
La bataille des immatriculations touche en fait à la question de l'indépendance du Kosovo proclamée en 2008, près d'une décennie après une guerre qui fit environ 13.000 morts, en majorité des Kosovars albanais.
Le Kosovo est reconnu par une centaine de pays, dont la plupart des Occidentaux, et depuis peu par Israël.
Pour le Premier ministre kosovar Albin Kurti, la souveraineté est intangible et rien ne peut être discuté sans que la réalité de l'indépendance ne soit reconnue.
Tensions avec les minorités serbes
Mais de nombreux Serbes considèrent le Kosovo comme leur berceau national et religieux. Belgrade n'a jamais admis l'indépendance, pas plus que la Russie et la Chine, ce qui prive Pristina d'une place à l'ONU. Cinq membres de l'Union européenne sont également sur cette ligne.
Le jeune Etat a cependant été admis au sein de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international, du Comité international olympique, de la Fédération internationale de football et de l'Union des associations européennes de football.
La minorité serbe compte environ 120.000 personnes, largement fidèles à Belgrade, dont un tiers résident dans le nord du Kosovo, près de la frontière avec la Serbie qui les soutient financièrement. Les autres membres de la minorité sont dispersés dans une dizaine d'enclaves.
Dans ces zones, le drapeau serbe flotte partout, les gens utilisent le dinar serbe. Toute intervention policière est source de tensions. Les habitants du nord du Kosovo ne paient ni l'eau, ni l'électricité, ni les impôts, un manque à gagner de dizaines de millions d'euros.
Un accord de 2013 prévoyant la création d'une association de dix «municipalités» où vit la minorité serbe est resté lettre morte, Belgrade et Pristina ne s'entendant pas sur leurs compétences. Nombre de Kosovars albanais craignent la création d'un gouvernement parallèle contrôlé par Belgrade.
Crainte de violences
Pour Albin Kurti, l'édification d'un Etat maître de ses fonctions régaliennes et doté d'institutions efficaces est primordial.
Mais pour de nombreux Serbes, permettre à Pristina d'exercer sa souveraineté revient à reconnaître de facto que le territoire n'est plus contrôlé par Belgrade et ne reviendra pas de sitôt dans le giron de la mère patrie.
Beaucoup craignent des violences malgré la présence au Kosovo d'une force emmenée par l'Otan de près de 4000 membres assistés dans le Nord par environ 130 membres de l'Eulex, la mission de l'UE.
Ces personnels ne peuvent «assumer le rôle des policiers locaux» démissionnaires, a prévenu Josep Borrell, qui a dénoncé un «vide sécuritaire dangereux dans une situation déjà fragile».
(AFP)