Deux de ses anciens amis ont perdu leur immunité
Qui sera la prochaine victime de Pier Antonio Panzeri à Bruxelles?

Les eurodéputés Marc Tarabella et Andrea Cozzolino ont eux-même voté la levée de leur immunité parlementaire ce 2 février. Ils sont dans le viseur de la justice belge en raison de leurs liens avec leur ex-collègue repenti Pier Antonio Panzeri, à l'origine du Qatargate.
Publié: 02.02.2023 à 21:16 heures
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Dernière mise à jour: 03.02.2023 à 09:30 heures
Elu au Parlement européen de 2004 à 2019, l'ancien eurodéputé socialiste Pier Antonio Panzeri bénéficie désormais du statut de «repenti» accordé par la justice belge. Il a été interpellé par la police le 9 décembre 2022.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Il était le «parrain». Il est aujourd’hui le «repenti». A 67 ans, Pier Antonio Panzeri, arrêté par la police belge le 9 décembre 2022 et toujours placé en détention préventive, est l’homme qui vient de pousser deux eurodéputés à voter eux-mêmes la levée de leur immunité parlementaire.

Marc Tarabella est belge, élu socialiste au parlement européen depuis 2009. Andrea Cozzolino est italien, élu lui aussi socialiste de cette institution depuis 2014.

Des élus redevenus simples citoyens

Ce jeudi 2 février, en session plénière à Bruxelles, les deux hommes ont accepté volontairement de perdre leurs privilèges d’élus lors d’un vote à main levée. Ils se retrouvent donc simples citoyens devant la justice belge qui enquête sur le «Qatargate», ce scandale de corruption qui éclabousse Bruxelles et les institutions communautaires depuis deux mois, avec des ramifications au Maroc.

Leurs bureaux pourront être perquisitionnés, leurs factures professionnelles de téléphone épluchées, leurs ordinateurs dépouillés et leur emploi du temps de parlementaires passés au peigne fin par les enquêteurs. Marc Tarabella est plusieurs fois intervenu sur les droits de l'homme au Qatar dans le contexte de la coupe du monde de football. Andrea Cozzolino présidait la délégation du parlement pour les relations avec les pays du Maghreb, y compris les commissions parlementaires mixtes UE-Maroc, UE-Tunisie et UE-Algérie.

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Qatar, Maroc: Le grand déballage des soupçons de corruption

Quels montants d’argent ont transité par Pier Antonio Panzeri, considéré dans cette affaire comme l’émissaire principal des puissances corruptrices, soucieuses de se ménager des accès et des résolutions favorables au Parlement européen? Impossible à savoir à ce stade.

L’on connaît juste, par des fuites dans la presse, le montant total d’argent liquide retrouvé chez Panzeri, chez l’ex vice-présidente grecque du parlement européen Eva Kaili et dans la chambre occupée par le père de celle-ci lors de leur arrestation commune le 9 décembre: 1,5 million d’euros.

D’où venaient ces sommes, constituées en partie de billets neufs retirés à Bruxelles peu de temps après la descente policière? Et surtout, qui était membres du réseau d’élus et d’influenceurs politiques bruxellois constitué par Pier Antonio Panzeri avec son ONG «Fight Impunity»? Cette dernière était supposée défendre la cause des droits de l’homme dans le monde, mais elle a été transformée en réceptacles à commissions versées par des Etats soucieux de parer aux attaques du Parlement européen…

Le cas Eva Kaili

Toujours en détention, Eva Kaili, 44 ans, a été la première eurodéputée à être mise en cause. Destituée de son poste de vice-présidente et remplacée le 18 janvier par un autre élu socialiste, le Luxembourgeois Marc Angel, cette ancienne présentatrice de la télévision grecque n’a pas pu s’abriter derrière son immunité, car elle a été prise en flagrant délit.

La suite? Tout va dépendre des confessions de Pier Antonio Panzeri et de son ex-assistant devenu le compagnon d’Eva Kaili, Francesco Giorgi...également employé par Cozzolino. L’élu belge Marc Tarabella a déjà reconnu ne pas avoir déclaré un voyage au Qatar. Idem pour sa collègue Marie Arena, elle aussi eurodéputée socialiste, intime de Panzeri. Cette dernière n’a pas vu son immunité parlementaire levée car le parquet belge ne l’avait pas requis.

D’autres pans du scandale pourraient être révélés dans les semaines à venir, puisque le Parquet européen a décidé de venir en renfort de la justice belge, compétente parce que les faits du «Qatargate» se sont déroulés sur son territoire.

Les eurodéputés ont en effet donné leur feu vert à une modification du règlement intérieur du Parlement européen qui autorise le Parquet européen à demander la levée de l’immunité juridique des élus soupçonnés d’infractions graves. Autre conséquence: 29 eurodéputés ont demandé des «mesures punitives» contre le Maroc, sans pouvoir jusque-là brandir la moindre preuve d’interférence de la part de Rabat. L'affaire de corruption est aussi assurée de revenir sur le devant de la scène à la mi février lors d'un nouveau débat sur le scandale Pegasus, ce logiciel espion Israélien que le Maroc est soupçonné d'avoir utilisé contre des opposants et des personnalités européennes.

Les choix du repenti

Le statut de «repenti» existe en Belgique depuis une loi du 22 juillet 2018. Celle-ci permet à une personne accusée et poursuivie ou condamnée par la justice de collaborer avec celle-ci en contrepartie d’une peine plus courte. Trois possibilités s’offrent donc à Pier Antonio Panzeri, qui a déjà obtenu l’accord du procureur fédéral belge pour une peine maximale d’un an de prison ferme, dont une partie sans être incarcéré, sous bracelet électronique.

La première est de livrer davantage d’informations, en particulier sur le Maroc, soupçonné d’avoir aussi utilisé son canal. Pour l’heure, sa principale accusation vise Marc Tarabella à qui il affirme avoir remis entre 120'000 et 140 000 euros. Ce que nie l’intéressé.

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Marc Tarabella vote sa propre levée d’immunité

La seconde est de s’arrêter là, en laissant les enquêteurs poursuivre leur travail. Avant de confirmer, ou non, ce qu’ils ramèneront de leurs investigations. Lesquelles pourraient s’étendre à d’autres personnes en lien avec les eurodéputés désormais privés d’immunité: fonctionnaires européens, lobbyistes, diplomates…

La troisième, peu probable, est de se rétracter, soit par volonté, soit parce que la défense des élus mis en cause aura réussi à démontrer que ses accusations sont mensongères. Ce qui reposerait la question de sa peine de prison mais soulagerait sans doute tous ceux qui ont recouru à ses services pour disposer d’un minimum d’influence à Bruxelles. Panzeri redeviendrait en quelque sorte un «parrain», cette fois muré dans le silence.

A Bruxelles, l’influence s’achète

En attendant, la capitale de l’Union européenne tremble et doit admettre une vérité difficile à dire, en cette journée de sommet UE-Ukraine: la corruption n’est pas seulement le fait de sa périphérie. Au centre des institutions communautaires aussi, acheter les bons offices de tel ou tel, pour adoucir une législation ou fermer les yeux sur des exactions, était jusqu’au mois de décembre tout à fait possible.

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