Des expulsions massives impossibles?
Après des promesses difficiles, Trump nomme un trio de choc contre l'immigration

Donald Trump nomme un trio de la droite dure pour superviser l'immigration aux États-Unis. Il sera chargé de réaliser la promesse d'expulsions massives. Leur mission s'annonce difficile face aux réalités du terrain.
Publié: 14.11.2024 à 09:49 heures
Pour réaliser son projet «d'expulsions massives», Donald Trump a nommé un trio d'ultra-droite pour gérer son immigration.
Photo: IMAGO/UPI Photo
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AFP Agence France-Presse

Pour réaliser sa promesse «d'expulsions massives», Donald Trump vient de nommer un trio de choc chargé de superviser l'immigration aux Etats-Unis, mais ces partisans d'une ligne dure risquent de se heurter à certaines réalités incompressibles, estiment les experts. Fort d'une victoire nette dans les urnes, le nouveau président semble déterminé à réaliser son mantra de campagne: fermer la frontière et lancer «la plus grande opération d'expulsions de l'histoire» des Etats-Unis.

Le pays compte 13 à 15 millions d'immigrés clandestins, selon les estimations. Beaucoup d'entre eux contribuent largement à l'économie. L'élection à peine terminée, Donald Trump a annoncé son intention de nommer trois fortes têtes en la matière: Tom Homan, Kristi Noem et Stephen Miller.

«Tsar des frontières»

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Tom Homan est un revenant, qui se voit décerner le titre de «Tsar des frontières». Cet homme de 62 ans dirigera l'agence responsable du contrôle des frontières et de l'immigration (ICE), comme il l'a déjà fait sous la précédente présidence Trump, entre 2017 et 2021. L'ancien policier avait alors supervisé une politique aussi brève que controversée, ayant conduit à séparer 4000 enfants migrants de leurs parents placés en détention.

Donald Trump a par le passé loué «l'air très méchant» de ce spécialiste de l'immigration, qui a aussi travaillé sous l'administration de Barack Obama. «Personne ne sera protégé par la prochaine administration», a averti Tom Homan en juillet. «Si vous êtes ici illégalement, vous feriez mieux de surveiller vos arrières.»

Etoile montante de la droite

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Il devra collaborer avec Kristi Noem, choisie pour diriger le ministère de la Sécurité intérieure. Agée de 52 ans, la gouverneure du Dakota du Sud a défrayé la chronique cette année en se vantant gaiement d'avoir tué un de ses chiens qu'elle jugeait indomptable. Une confession qui avait anéanti ses prétentions pour devenir la vice-présidente de Donald Trump.

Etoile montante de la droite américaine, Kristi Noem s'est toutefois taillée une réputation en envoyant les membres de la Garde nationale de son Etat à la frontière avec le Mexique – même si le Dakota du Sud, au nord du pays, est situé à des milliers de kilomètres. «Nous allons sécuriser la frontière et rétablir la sécurité (...) afin que les familles aient à nouveau la possibilité de poursuivre le rêve américain», a promis la républicaine.

Le fidèle radical

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A la Maison Blanche, cette politique sera orchestrée par Stephen Miller, nommé directeur-adjoint du cabinet présidentiel, un rôle aux prérogatives très larges. Cet homme de 39 ans était l'un des visages les plus marquants de la dernière administration Trump. Il reste dans les mémoires comme l'architecte du fameux projet de «Muslim Ban», ce décret pris en 2017 pour interdire de séjour les ressortissants de sept pays musulmans: l'Iran, l'Irak, la Libye, la Somalie, le Soudan, la Syrie et le Yémen.

Stephen Miller est un fidèle radical: sa famille a beau avoir fui les pogroms anti-juifs en Europe de l'Est pendant la première moitié du XXe siècle, cela ne l'a pas empêché de soutenir l'idée d'un arrêt de l'accueil des réfugiés politiques aux Etats-Unis, selon la presse américaine. «L'Amérique est pour les Américains et uniquement pour les Américains», a-t-il lancé lors du meeting de Donald Trump au Madison Square Garden, salle mythique de New York qui avait notamment accueilli un rassemblement pro-nazi en 1939.

Expulsions de masse

Ce trio de responsables volontaristes aura toutefois du pain sur la planche. «Selon nos estimations, il faudrait plus d'une décennie pour expulser 13 millions de personnes», soit le nombre d'immigrants clandestins estimé aux Etats-Unis, rappelle à l'AFP Aaron Reichlin-Melnick, un expert de l'American Immigration Council.

Un tel projet nécessiterait des dizaines de milliers de nouveaux employés pour travailler dans des centaines de centres de détention à construire, et dans les tribunaux spécialisés du pays, ajoute-t-il. «Cela suppose que le Congrès finance le gouvernement à hauteur de près de mille milliards de dollars pour mener à bien ces expulsions massives», souligne-t-il.

La promesse de Donald Trump – qui gonfle faussement les chiffres en évoquant régulièrement plus de 20 millions de clandestins – n'est selon lui «pas réaliste». Il pourrait donc opter pour quelques mesures ciblées et très médiatiques. Reste à savoir lesquelles. 

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