Depuis 1950
Pédocriminalité dans l'Église portugaise: au moins 4815 victimes

Au moins 4815 mineurs ont été victimes de violences sexuelles au sein de l'Église catholique portugaise depuis 1950, selon les conclusions présentées lundi par une commission indépendante. Cette dernière a entendu plus de 500 témoignages pendant environ un an.
Publié: 13.02.2023 à 13:10 heures
L'Église catholique fait à nouveau face aux accusations de pédocriminalité. Au Portugal, un rapport compte plus de 4800 victimes, au bas mot (image symbolique du Vatican).
Photo: Alessandra Tarantino

Ce sont des chiffres qui font froid dans le dos — et qui constituent un plancher, pas un plafond. Le demi-millier de témoignages recueillis par une commission indépendante font la lumière sur les pratiques pédocriminelles au sein de l'Église portugaise depuis 1950

«Ces témoignages nous permettent d'arriver à un réseau de victimes beaucoup plus important, calculé au nombre minimal de 4815 victimes», a déclaré le coordinateur de cette commission d'experts, le pédopsychiatre Pedro Strecht, lors de la présentation de son rapport final à Lisbonne.

«Il est désormais difficile que tout reste pareil concernant les violences sexuelles sur mineurs au Portugal et la conscience de leur impact traumatisant», a-t-il affirmé devant la presse et plusieurs responsables ecclésiastiques. Fin 2021, la hiérarchie de l'Église portugaise avait chargé M. Strecht de former une équipe pour prendre la mesure du phénomène de la pédocriminalité en son sein.

Réaction attendue

Le président de la conférence épiscopale portugaise, l'évêque de Leiria-Fatima, José Ornelas, doit réagir lundi en fin de journée. Les évêques portugais ont également prévu de se réunir début mars pour tirer les conclusions du rapport indépendant et pour «éradiquer autant que possible ce fléau de la vie de l'Église», avait déclaré en janvier le secrétaire de la conférence épiscopale, le père Manuel Barbosa.

Confronté aux milliers de cas de violences sexuelles par des prêtres mis au jour dans le monde et aux accusations de dissimulation par des membres du clergé, le pape François a promis en 2019 de livrer une «bataille totale» contre la pédophilie au sein de l'Église.

Avant le Portugal, plusieurs pays se sont déjà efforcés de prendre la mesure de ce phénomène, dont la France, l'Irlande, l'Allemagne, l'Australie ou les Pays-Bas.

«Demander pardon»

Le cardinal-patriarche de Lisbonne et plus haut prélat de l'Église portugaise Manuel Clemente s'était dit prêt en avril 2022 à «reconnaître les erreurs du passé» et à «demander pardon» aux victimes. Il assistait lundi à la présentation du rapport de la commission indépendante.

Attendu dans la capitale portugaise pour les Journées mondiales de la jeunesse qui auront lieu début août, le souverain pontife pourrait rencontrer des victimes, a indiqué récemment l'évêque auxiliaire de Lisbonne, Américo Aguiar, chargé de l'organisation de ce rendez-vous mondial des jeunes catholiques.

«C'est très difficile de parler du sujet au Portugal»

La grande majorité des crimes dénoncés à la commission indépendante est déjà prescrite, mais vingt-cinq témoignages ont été transmis au Ministère public, a précisé son coordinateur. Parmi ces rares cas figure celui d'Alexandra, deuxième prénom d'une femme de 43 ans souhaitant rester anonyme, violée par un curé pendant la confession quand elle était une novice de 17 ans se préparant à une vie de religieuse.

«C'est très difficile de parler du sujet au Portugal», où 80% de la population se définit comme catholique, a témoigné la semaine dernière à l'AFP cette mère de famille, formée en informatique, mais employée comme auxiliaire de cuisine.

«L'Église doit se purifier»

«Cela faisait de longues années que je gardais ce secret, mais je sentais que cela devenait de plus en plus difficile de gérer ça toute seule», a-t-elle raconté lors d'un entretien téléphonique. Après avoir dénoncé son agresseur aux autorités ecclésiastiques, elle s'est sentie «ignorée» car l'évêché concerné s'est limité à envoyer sa plainte au Vatican, qui n'a toujours pas donné suite.

Trois ans plus tard, elle a enfin trouvé chez les experts de la commission indépendante une oreille compréhensive et le soutien psychologique dont elle avait besoin. Attendant de connaître les mesures que prendront les évêques avec un mélange d'espoir et de scepticisme, Alexandra estime que le travail de la commission indépendante a représenté «un bon début» pour ceux qui cherchent à «briser le mur» de silence qui les a longtemps entourés.

«Cette initiative n'a que trop tardé, l'Église doit se purifier», a affirmé une autre victime, citée de façon anonyme par Pedro Strecht dans son intervention.

(ATS)

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