Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a créé la surprise en proclamant mardi la loi martiale, avant de la retirer quelques heures plus tard sous la pression du parlement et d'une foule de manifestants. Instaurée pour la première fois dans le pays en plus de 40 ans, elle a suscité l'inquiétude de nombreux pays, dont les Etats-Unis, l'Allemagne et la Russie.
Que s'est-il passé exactement au cours des dernières heures? Retour sur une soirée de chaos.
Partis politiques et grèves interdits
Lors d'une allocution télévisée nocturne, Yoon Suk Yeol a proclamé mardi la loi martiale en Corée du Sud. Pour justifier sa décision, le chef de d'Etat sud-coréen a pointé du doigt l'opposition, l'accusant de paralyser le gouvernement.
Un décret en six points du nouveau commandant de la loi martiale, le chef de l'armée et général Park An-su, a rapidement suivi. Avec à la clef une interdiction des activités et des partis politiques, de la «fausse propagande», des grèves et des «rassemblements qui incitent à l'agitation sociale».
Le décret place également tous les médias sous l'autorité de la loi martiale et ordonne à tout le personnel médical de reprendre le travail dans les 48 heures. Les médecins en grève sont également concernés.
Un «geste de désespoir» du président
Yoon Suk Yeol a dit avoir proclamé la loi martiale «pour protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l'Etat». Bien qu'inattendue, cette annonce s'inscrit dans le contexte d'une bataille avec le principal parti d'opposition, le Parti Démocrate, sur le projet de budget de l'année prochaine.
Les députés de l'opposition ont approuvé la semaine dernière, à travers une commission, un programme budgétaire considérablement réduit. Le président sud-coréen a accusé les élus de l'opposition de couper «tous les budgets essentiels aux fonctions premières de la nation».
«Le recours à la loi martiale ressemble presque à un geste de désespoir pour tenter de s'en sortir, tant sur le plan politique que sur celui de la politique générale, mais c'est vraiment mal joué sur les deux fronts», a estimé Alan Yu, ancien diplomate américain en Asie qui travaille actuellement au Center for American Progress. Selon lui, le président coréen est «un dirigeant profondément impopulaire».
Les députés forcent l'entrée du Parlement
Des hélicoptères ont atterri sur le toit du Parlement à Séoul. Après en avoir été brièvement empêchés par des soldats, quelque 190 députés sont parvenus à entrer dans l'Assemblée. Ils ont voté à l'unanimité en faveur d'une motion bloquant l'application de la loi martiale et appelant à sa levée.
Répondant à l'appel du chef de l'opposition sud-coréenne Lee Jae-myung, des centaines de personnes ont afflué devant le Parlement, scandant «Arrêtez Yoon Suk Yeol». Le principal parti d'opposition sud-coréen, le Parti démocrate, a exigé que Yoon Suk Yeol démissionne, l'accusant d'«insurrection».
La plus importante intersyndicale a appelé à la «grève générale» jusqu'à la démission de Yoon Suk Yeol, en raison de cette «mesure irrationnelle et antidémocratique». Le parti de Yoon Suk Yeol, le Parti du Pouvoir au Peuple, a qualifié de «tragique» sa tentative d'imposer la loi martiale et a demandé que les personnes impliquées soient tenues de rendre des comptes.
Le président fait marche arrière
Du côté des marchés, le won sud-coréen a dérapé mardi après la proclamation de la loi martiale. Le pays se trouve ainsi plongé dans l'incertitude. Quelques heures seulement après l'avoir décrétée, Yoon Suk Yeol a finalement déclaré que la loi martiale allait être levée et que les troupes déployées dans Séoul allaient se retirer.
«Il y a eu une demande de l'Assemblée nationale pour lever l'état d'urgence, et nous avons procédé au retrait des militaires qui avaient été déployés pour les opérations de loi martiale», a déclaré le président dans une nouvelle intervention télévisée. «Nous allons accéder à la requête de l'Assemblée nationale et lever la loi martiale lors d'une réunion du gouvernement», a-t-il ajouté.
Le cabinet de Yoon Seok Yeol a ensuite approuvé la motion de levée de l'état d'urgence, a rapporté l'agence de presse Yonhap. Selon la constitution sud-coréenne, le vote parlementaire pour la levée de la loi martiale doit être respecté.
Inquiétude chez les occidentaux
La Corée du Sud est un allié clé de l'Occident en Asie, considéré comme un important rempart démocratique dans une région dominée par des régimes autoritaires. La proclamation surprise de Yoon Seok Yeol est donc observée avec inquiétude.
Washington s'est dit «soulagé que le président Yoon soit revenu sur sa déclaration de loi martiale inquiétante et qu'il ait respecté le vote de l'Assemblée nationale (de Corée du Sud) pour y mettre fin». Plus tôt, la Grande-Bretagne et l'Allemagne ont toutes deux déclaré qu'elles suivaient de près l'évolution de la situation.
La Chine, l'un des principaux alliés de la Corée du Nord, dotée de l'arme nucléaire, a invité ses citoyens à la prudence. La Russie, elle-même de plus en plus proche de Pyongyang, a pour sa part qualifié la situation d'"alarmante».