La visite éclair de Nancy Pelosi à Taïwan a provoqué la colère de la Chine, qui a immédiatement mené des exercices militaires à balles réelles directement au large de l'île. Après l'observation de plusieurs tirs en direction de Taïwan, divers experts s'attendent tôt ou tard à une escalade militaire. Mais quelles seraient les répercussions d'une invasion chinoise à Taïwan pour la Suisse et l'économie mondiale? «Un conflit militaire à Taïwan aurait des conséquences bien plus graves pour l'économie mondiale que l'actuelle guerre russe en Ukraine, déclare Peter Bachmann, directeur de la Chambre de commerce suisse à Shanghaï. Les marchés boursiers du monde entier s'effondreraient - et pas seulement pour quelques jours ou quelques semaines, mais indéfiniment.»
«Il faut veiller à ne pas trop provoquer Pékin»
Taïwan joue un rôle important pour les éventuels futurs intérêts de la Chine en matière de sécurité mondiale. D'une part d'un point de vue géostratégique, car Taïwan protège l'accès à l'océan Pacifique par la mer de Chine. Mais l'île du Pacifique occidental a également une grande importance économique.
En effet, Taïwan est le plus important fabricant de puces au monde. TSMC en particulier, le plus grand fabricant indépendant de produits semi-conducteurs, a une avance technologique considérable sur ses concurrents chinois et américains.
En raison de l'avenir incertain de Taïwan, TSMC travaille actuellement d'arrache-pied pour exporter sa technologie à l'étranger. Actuellement, le leader du marché des puces construit six usines aux Etats-Unis. Pour l'Occident, un tel transfert de technologie est bien sûr souhaitable, dit Peter Bachmann.
Le Suisse, qui vit en Chine depuis dix-sept ans, souligne toutefois une chose: «Il faut veiller à ne pas trop provoquer Pékin. Le risque existe tout à fait qu'ils perdent la tête, ici en Chine, et qu'ils décident alors effectivement d'envahir Taïwan.»
Perturbations des chaînes d'approvisionnement mondiales
Si une escalade militaire devait se produire, les entreprises suisses en Chine et à Taïwan ne seraient pas les seules à être touchées. «S'il n'est plus possible d'exporter des puces, les entreprises en Suisse le ressentiront également», explique Peter Bachmann.
Peter Grünenfelder, directeur du groupe de réflexion libéral Avenir Suisse, adopte lui aussi le ton de la mise en garde: «Une escalade du conflit autour de Taïwan pourrait entraîner des perturbations massives des chaînes d'approvisionnement mondiales - et la Suisse et ses entreprises en seraient également affectées.» Selon lui, la Suisse est beaucoup plus liée économiquement à la Chine qu'à la Russie. «Une escalade des tensions entre les Etats-Unis ou l'Occident et la Chine affecterait davantage les entreprises suisses que la guerre en Ukraine», affirme Peter Grünenfelder.
La Chine va-t-elle soutenir davantage la Russie?
Tant Peter Bachmann que Peter Grünenfelder ne s'attendent pas à ce que la visite de Nancy Pelosi provoque directement une invasion. La Chine, certes, a déjà réagi à sa venue à Taïwan, «mais les dirigeants chinois sont très attachés à la stabilité et craignent le risque. Le plus grand danger, ce sont les malentendus et les accidents qui pourraient déclencher un cercle vicieux d'escalade du conflit», selon Peter Grünenfelder
Il s'attend à ce que de nouveaux bouleversements se produisent sur le plan économique et diplomatique. «Outre les sanctions commerciales, la Chine pourrait par exemple, en réaction, soutenir davantage la Russie dans la guerre en Ukraine, explique-t-il. Il faut également s'attendre à des sanctions économiques chinoises contre Taïwan.»
(Adaptation par Lliana Doudot)