Il fait une chaleur étouffante en Europe. L’hiver – et donc la crise énergétique qui menace – semble bien loin. Mais en France, l’inquiétude grandit déjà. En cause: 30 des 56 centrales nucléaires françaises sont actuellement à l’arrêt. Pour 18 d’entre elles, parce qu’elles doivent être entretenues, ce qui prend beaucoup plus de temps que prévu. Douze autres centrales nucléaires ont dû être arrêtées ces dernières semaines en raison de dommages causés par la rouille.
Une situation qui n’était pas prévue: normalement, la France, dont l’électricité provient à 70% du nucléaire, produit beaucoup plus de courant que ce dont ses propres ménages et entreprises ont besoin. Le reste est pour l'exportation. Mais ce n’est pas le cas actuellement: pour la première fois de son histoire, la France doit importer 20% de ses besoins en électricité.
«Il y aura des coupures programmées»
Selon le spécialiste du nucléaire Yves Marignac, cela n’augure rien de bon pour l’hiver à venir. «Qu’autant de centrales nucléaires ne fonctionnent pas en même temps est une première», explique-t-il à la SRF.
Selon lui, cette situation, combinée aux pénuries de gaz dues à la guerre en Ukraine, conduira la France à vivre une grande crise énergétique hivernale. L’expert a peu d’espoir. «Je pense qu’une panne totale peut être évitée, mais il y aura probablement des coupures de courant planifiées pour économiser l’énergie», a-t-il ajouté sur le plateau de la chaîne de télévision.
La Suisse est également concernée: en hiver, notre pays doit importer de l’électricité. Et une grande partie de cet apport saisonnier vient de France. Mais cette fois-ci, il ne devrait pas être possible d’acheter beaucoup d’électricité en France pendant la saison froide. En cause: des réacteurs trop vieux, mais aussi des retards. Par exemple, le nouveau réacteur EPR de Flamanville, sur lequel reposaient de nombreux espoirs, pose problème. Il aurait dû être mis en service en 2012. Or, il ne l’est toujours pas: l’exploitant Energie de France espère qu’il sera fonctionnel l’année prochaine. Mais même s’il est, son efficacité laisse Yves Marignac sceptique. «L’EPR sera peut-être raccordé un jour, mais il ne sera jamais compétitif. D’un point de vue économique, c’est une véritable catastrophe», soupire-t-il.
La France nous débranchera-t-elle?
Comme il pourrait être difficile cet hiver d’obtenir suffisamment d’électricité nucléaire en provenance de la France, la Suisse mise sur sa propre énergie hydraulique. Le Conseil fédéral a décidé que les entreprises énergétiques devraient retenir une réserve d’eau résiduelle dans les lacs d’accumulation afin de pouvoir y recourir en hiver.
La Commission fédérale de l’électricité annoncera prochainement la taille de cette réserve. Jusqu’à présent, il était question de 0,5 térawatt-heure (TWh). Mais cela ne suffirait que pour une à deux semaines. Le conseiller national des Verts Bastien Girod demande donc une réserve plus importante, jusqu’à 2 TWh, qui pourrait suffire à couvrir jusqu’à deux mois.
Coupures de réseau également à l’ordre du jour en Suisse
Les coupures planifiées, comme Yves Marignac les voit venir pour la France, sont également un sujet de préoccupation en Suisse. Si, malgré les appels à l’économie et d’autres mesures préventives, il n’y a pas assez d’électricité, des coupures de réseau pourraient avoir lieu l’hiver prochain dans certaines régions de Suisse. Les quartiers urbains et les villages seraient ainsi privés d’électricité pendant quelques heures par jour.
Selon la situation, cela se produirait toutes les 4-8-4 ou 4-4-4 heures: quatre heures de courant, puis quatre ou huit heures de coupure, puis à nouveau quatre heures de courant. Toutefois, cette mesure n’est prévue qu’en tout dernier recours, en cas d’urgence absolue.