Le 24 février 2022 est une date qui sera marquée en gras dans les livres d'histoire. C'est le jour où l'armée russe a envahi l'Ukraine, et où l'ordre mondial tout entier a commencé à changer. Presque personne n'aurait cru qu'une guerre éclaterait en Europe en si peu de temps.
Blick jette un regard en arrière et montre à quel point la situation en Ukraine est grave, et résume ce qui pourrait encore arriver.
L'invasion
Cela a commencé par des mensonges. Le président russe Vladimir Poutine n'a cessé d'affirmer que le rassemblement de 150'000 soldats à la frontière ukrainienne n'était qu'un exercice. Le 24 février 2022, à 04h du matin, heure suisse, cette supercherie s'est révélée au grand jour. Du nord, du sud et de l'est, il a sonné l'invasion du pays voisin.
Il a également menti à son propre peuple: il a qualifié cette guerre d'«opération militaire spéciale» visant à libérer l'Ukraine des nazis. En réalité, il s'agissait d'abord pour le dirigeant russe de s'emparer du pays, et de restaurer ensuite une partie de l'ancien empire soviétique.
Le choc a été grand dans le monde entier. En Europe, on s'attendait à ce que l'armée russe envahisse l'Ukraine en quelques jours. Loin de là. Le convoi militaire des troupes du Kremlin, long d'environ 60 kilomètres, est resté bloqué peu avant Kiev. Depuis l'annexion de la Crimée et l'éclatement du conflit dans le Donbass en 2014, les Ukrainiens avaient massivement renforcé leur défense militaire, comme l'a montré la déroute des assaillants.
Alors que les Russes ont dû battre en retraite au nord, les soldats situés à l'ouest et au sud ont frappé d'autant plus fort. Leur brutalité s'est révélée le 2 avril 2022, lorsque le massacre de Boutcha a été découvert. Les envahisseurs y avaient torturé et massacré plus de 450 personnes.
Les prises de Marioupol et de Kherson ont constitué d'autres étapes importantes pour les Russes. La contre-offensive lancée par les Ukrainiens au début de l'été 2023 avec des armes occidentales n'a pas eu le succès escompté. Au cours des deux années de guerre, l'armée ukrainienne a tout de même réussi à tenir les soldats russes à distance de Kiev et de Kharkiv, et à reconquérir Kherson et d'autres régions.
La résistance
La résistance de la nation attaquée est impressionnante. Les armes livrées permettent bien sûr de se défendre, tout comme le président Volodymyr Zelensky, qui parvient à motiver son armée à se battre et l'Occident à l'aider. Ralph D. Thiele, dirigeant de la société politico-militaire allemande et président d'EuroDefense Allemagne, dresse le bilan suivant: «La résistance intelligente des premières heures et des premiers jours a ébranlé l'adversaire, donné confiance à la population ukrainienne et stimulé le moral des soldats.»
Outre les succès remportés lors de la défense de la capitale et la percée à Kharkiv, Ralph D. Thiele énumère deux autres événements importants: l'affaiblissement continu de la marine russe en mer Noire avec le torpillage du navire amiral Moskva, et la communication basée sur Starlink au cours des premières semaines. Starlink est un réseau de satellites géré par SpaceX, la société spatiale d'Elon Musk, qui permet aux Ukrainiens d'accéder à Internet même dans les endroits les plus reculés.
L'opposition a entraîné une dispute du côté russe. Le chef du groupe Wagner, Evgueni Prigojine, s'est dirigé vers Moscou avec ses mercenaires en faisant des menaces, mais il a finalement fait demi-tour en direction de la Biélorussie. Quelques semaines plus tard, il trouvait la mort dans un accident d'avion.
La faiblesse
Ces derniers temps, les critiques à l'encontre de Zelensky se sont multipliées. Il y a quelques semaines, dans le cadre d'une lutte de pouvoir interne, il a limogé le très populaire chef de l'armée Valeri Zaloujny et l'a remplacé par Oleksandr Syrsky. Ralph D. Thiele repère également des erreurs stratégiques: «Le président ukrainien surestime l'attachement symbolique à des lieux stratégiquement insignifiants comme Bakhmout et sacrifie ainsi une force de combat de qualité dont il a urgemment besoin ailleurs.»
En outre, la présence permanente du président ukrainien dans les médias internationaux serait également contre-productive. «La surmédiatisation continue de ses propres revendications renforce les sceptiques à l'étranger et détourne l'attention des réflexions stratégiques et opérationnelles globales nécessaires», estime le spécialiste militaire. Le soutien international s'évapore alors à vue d'œil.
La lassitude
Ces dernières semaines, l'Ukraine a dû essuyer quelques revers – notamment ce week-end avec la prise d'Avdiivka par les Russes. Les Ukrainiens sont à court de munitions, alors que Moscou reçoit des drones d'Iran, des munitions de Corée du Nord et des machines de production de Chine. Avec des tirs à distance sur les centres, le Kremlin mise sur l'usure.
«L'Ukraine est sous pression dans de nombreux endroits – terre, mer, air, espace, sur Internet et dans la sphère politique», explique Ralph D. Thiele. Certes, les pays occidentaux ont fourni beaucoup de matériel, mais cela pose aussi des problèmes. Il poursuit: «La logistique est dépassée par un bric-à-brac de systèmes d'armes.»
Alors que les Etats occidentaux réduisent les livraisons d'armes, les héros loués dans la presse et sur les réseaux sociaux se lassent eux aussi de la guerre, affirme Ralph D. Thiele. En même temps, la Russie se prépare économiquement à une guerre longue et épuisante. Le spécialiste met en garde: «Si le front s'effrite, l'implosion menace.»
L'avenir
On ne peut qu'estimer le nombre de victimes que la guerre a fait jusqu'à présent. Des observateurs externes estiment le nombre total de morts et de blessés à 500'000. Selon le HCR, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, 13,7 millions d'Ukrainiens ont quitté leur pays, 6,4 millions sont entre-temps rentrés chez eux. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) parle de 23'000 disparus.
Sur le front, c'est actuellement l'impasse, avec un léger avantage pour les Russes. Pour continuer à résister avec succès aux assaillants, l'Ukraine a besoin de nouvelles ressources humaines et de livraisons d'armes. Or, 60 milliards de dollars sont toujours en attente aux Etats-Unis. On ne sait pas s'ils seront débloqués.
En outre, selon Ralph D. Thiele, l'Ukraine a également besoin d'un apport ciblé de nouvelles technologies. L'expert parle entre autres de nuées de drones, dont certains explorent les cibles et d'autres transportent des bombes. La guerre électronique doit également être développée.
Selon le spécialiste, les livraisons ne sont pas les seules actions importantes au niveau international. Les «capacités robustes de l'OTAN et de ses États membres» sont également au premier plan. Si Donald Trump était réélu président des Etats-Unis en novembre, l'OTAN pourrait s'affaiblir. Trump n'était déjà pas en bons termes avec l'OTAN durant son mandat et a menacé ces derniers jours de laisser tomber les pays de l'OTAN qui n'ont pas suffisamment investi dans leur propre armée jusqu'à présent.
La menace
Ces dernières semaines, plusieurs dirigeants européens ont tiré la sonnette d'alarme et mis en garde contre une extension de la guerre aux pays européens membres de l'OTAN. Ralph D. Thiele appelle au calme. Au lieu d'une extension de la guerre, il s'attend à une période éprouvante d'attaques hybrides de la Russie, de la Chine ainsi que de la part d'acteurs islamistes. «Cela pèsera sur notre prospérité.»
Pour Ralph D. Thiele, il est clair qu'une fin rapide de la guerre est logiquement dans l'intérêt des Etats européens et de l'Ukraine. Il conclut: «Il faut donc des initiatives de politique étrangère ciblées en vue de mettre fin au conflit.»