Arrêté le dimanche 23 mai par le régime biélorusse, qui a pour cela détourné un avion de Ryanair, l'activiste et journaliste Roman Protassevitch serait actuellement détenu au château de Pishchalauski. Derrière ce nom aux apparences inoffensives se cache un autre, plus sinistre: «centre de détention numéro 1». Le bâtiment néoclassique domine la vieille ville de Minsk de ses trois tourelles qui datent de 1825.
Le régime du dictateur biélorusse Alexandre Loukachenko entretient plusieurs prisons où il fait enfermer les opposants qui sont ensuite menacés et torturés. Mais seul le château possède des chambres de mise à mort.
Depuis que Loukashenko a pris ses fonctions en 1994, au moins 170 personnes y ont été exécutées. C'est le seul endroit où la peine de mort est encore pratiquée en Europe.
«Il a clairement été battu»
Dans une «vidéo de confession», Protassevitch explique qu'il est en détention. Sans montrer aucune émotion, il lit un texte, sa tête parsemée de taches sombres, son visage semble gonflé et son nez cassé. Svetlana Tikhanovskaya, leader de l'opposition en exil, dénonce: «Il a clairement été battu et est sous pression. Il ne fait aucun doute qu'il a été torturé. Il a été pris en otage.»
«La répression s'intensifie», déplore Christopher Resch, de Reporters sans frontières, à propos du coup de force de Loukachenko. «Le détournement de l'avion et l'arrestation de Protassevitch visent à intimider aussi bien les journalistes encore présents dans le pays que ceux partis en exil.»
Reporters sans frontières a déposé une plainte pénale contre Loukashenko en Lituanie pour «détournement criminel d'avion». L'UE prévoit de décider de sanctions concrètes le mois prochain et a déjà fermé l'espace aérien aux avions biélorusses.
«Il pourrait désormais être plus difficile pour les membres de l'opposition de quitter le pays», craint Christopher Resch. Ce dernier s'inquiète du fait qu'il n'est pratiquement plus possible de se faire une idée de la situation sur le terrain. «Le pays est plus ou moins fermé.»
Sa petite amie aussi en prison
Selon l'Association des journalistes biélorusses, les autorités de Loukachenko ont arrêté 477 journalistes et bloqué une cinquantaine de sites web indépendants au cours de l'année écoulée.
Peu avant l'arrestation de Protassevitch, le site d'information indépendant tut.by a également été mis hors ligne. Selon les informations de Human Rights Watch, au moins 13 des journalistes qui y travaillent étaient en détention au début de la semaine.
Aux dernières nouvelles, la petite amie de Protassevitch, l'étudiante russe Sofia Sapega, qui a également été arrêtée, se trouverait dans la prison d'Okrestina. Loukachenko y fait maltraiter depuis l'été dernier des milliers de manifestants biélorusses. Certains n'y restent que quelques jours, d'autres des semaines.
Des rapports, des photos et des vidéos témoignent des conditions de détention exécrables. «À l'entrée, il y avait un homme qui criait : 'Plus vite, salopes !'. (...) Il m'a attrapé par le cou et m'a frappé contre le mur à coups de pied», raconte ainsi un jeune de 20 ans à la BBC. Un autre homme a déclaré : «On nous a obligé à rester debout dans la cour toute la nuit. Nous pouvions entendre des femmes se faire battre.» Le journaliste russe Nikita Telischenko a quant à lui déclaré avoir vu des détenus empilés les uns sur les autres au sol.
Il est tout à fait possible que Protassevitch sorte vivant de la prison de Minsk. Mais les traces de torture et de mauvais traitements subsisteront.