Ascension de l'extrême droite en Europe
La Hongrie, nouveau terrain de confrontation entre néonazis et antifascistes

Le gouvernement de Viktor Orban autorise des événements controversés, malgré les critiques. Une marche de 60 km a eu lieu pour honorer une tentative de percée allemande en 1945, suscitant l'inquiétude face à la résurgence du fascisme en Europe.
Publié: 08.02.2025 à 22:13 heures
1/4
Des milliers de personnes ont participé à des commémorations organisés par les milieux néonazis en Hongrie ce samedi.
Photo: AFP
Post carré.png
AFP Agence France-Presse

Des milliers de personnes ont participé samedi en Hongrie à des commémorations organisées par les milieux néonazis, face à des antifascistes européens venus «résister» à l'ascension de l'extrême droite dans le monde.

Si la justice a progressivement limité la portée de ces événements, le gouvernement nationaliste de Viktor Orban continue d'autoriser chaque année à Budapest ce «Jour de l'Honneur», tout en dénonçant «la violence d'extrême gauche» après des incidents par le passé.

Commémoration SS et uniformes nazis

Une randonnée de 60 km de long est partie du château de Buda à la tombée de la nuit, là où le 11 février 1945 l'armée allemande, aidée des SS et de collaborateurs hongrois, a tenté de se libérer du siège soviétique. Quelques centaines d'antifascistes s'étaient rassemblés non loin un peu plus tôt, sous haute surveillance de la police. Aucun débordement n'a été signalé.

Pour l'extrême droite, il s'agit de rendre hommage à des soldats qui «défendaient l'Europe occidentale contre l'Armée rouge», analyse Bulcsu Hunyadi, du groupe de réflexion Political Capital. Mais ils le faisaient «au nom de l'Allemagne nazie», ce qui ne peut faire l'objet d'une «glorification», juge ce chercheur, alors que le gouvernement nationaliste apporte un soutien tacite à ces commémorations.

Parmi les quelque 4000 participants à la marche nocturne, dont certains portant des insignes d'extrême droite et parfois des uniformes nazis, Zsolt dit vouloir «honorer les héros hongrois qui ont défendu la ville» il y a 80 ans. «Nous marchons en silence pour éprouver dans notre chair la souffrance de nos ancêtres», explique à l'AFP ce courtier en assurance de 33 ans, refusant de donner son nom de famille.

«Le monde entier se dirige vers un destin terrible»

Dans le camp adverse, Anna, une étudiante de 20 ans, ne veut pas «laisser les néo-nazis de toute l'Europe parader et occuper Budapest». Pour Julia Zsolnay, ex-comédienne de 76 ans, se mobiliser est encore plus important «avec la résurgence du fascisme en Allemagne, sans parler de l'Autriche voisine, et le monde entier qui se dirige vers un destin terrible». Elle faisait référence à la deuxième position de l'AfD dans les sondages avant les législatives allemandes et à la possibilité que le chef de l'extrême droite autrichienne devienne chancelier.

Les manifestants ont également apporté leur soutien aux «antifas» poursuivis par la justice hongroise pour des violences survenues en 2023.

Le sujet a pris une ampleur internationale lorsqu'une militante italienne est apparue enchaînée et pieds liés lors d'une audience judiciaire, début 2024. L'épisode avait indigné l'opinion publique et conduit Rome à protester. Le parquet avait requis onze ans ferme à l'encontre d'Ilaria Salis, depuis libérée de son assignation à résidence grâce à l'immunité qu'elle a obtenue en étant élue eurodéputée dans les rangs de la gauche radicale.

Une autre personne, de nationalité allemande, a été remise l'an dernier à la Hongrie pour des faits similaires, une décision sévèrement critiquée cette semaine par la Cour constitutionnelle allemande. Elle a estimé que Maja T., qui se considère non-binaire, risquait de subir «un traitement contraire» aux droits fondamentaux de l'Union européenne (UE), en raison des mesures anti-LGBT+ adoptées sous le Premier ministre Orban.

Egalement poursuivi, un militant albanais conteste actuellement en France son extradition, sa défense dénonçant une instrumentalisation par le pouvoir hongrois d'une histoire d'émeutes qui devrait relever du simple droit commun.

Prêt pour une chasse à l'homme

Dans ce contexte tendu, le gouvernement hongrois redoutait une répétition du scénario de 2023 et avait mis en garde contre «l'organisation de chasses à l'homme en pleine rue».

Aucune idéologie «antifa» ne saurait justifier «le passage à tabac arbitraire de personnes réduites en bouillie sanguinolente», avait averti le vice-ministre de l'Intérieur Bence Retvari, moins disert sur les possibles violences de l'autre camp. Si des extrémistes de droite font aussi l'objet d'inculpations pour avoir tendu des embuscades, ces faits sont peu médiatisés.

Conservateur à l'origine, Viktor Orban a progressivement évolué vers l'extrême droite. Depuis son retour au pouvoir en 2010, ce défenseur des valeurs «illibérales» est régulièrement accusé de révisionnisme historique. En 2017, il avait loué Miklos Horthy, dirigeant hongrois qui avait fait alliance avec Adolf Hitler.

Face aux critiques, le Premier ministre hongrois brandit sa politique de «tolérance zéro» envers l'antisémitisme et se vante d'offrir les terres les «plus sûres d'Europe» pour les Juifs.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la