L'Ukraine n’a cessé d’évoquer la possibilité d'une attaque contre la péninsule de Crimée, annexée par la Russie en 2014, et plus précisément contre le pont qui la relie à la Russie continentale.
Et le matin suivant le 70e anniversaire Vladimir Poutine, cela semble être le cas: «Le pont brûle magnifiquement au lever du soleil», a commenté le service de renseignement intérieur ukrainien (SBU) à propos des événements – confirmant ainsi indirectement que le pays est responsable de l’incident.
Officiellement, on ne sait pas encore qui se cache derrière l’incendie. Le fait est qu’un wagon de carburant s’est embrasé, que le pont autoroutier s’est effondré et que la péninsule est coupée de la Russie, du moins par cette voie.
Le président du parlement ukrainien Ruslan Stefantschuk a tweeté: «La Crimée est l’Ukraine. Et tous les cordons artificiels de routes et de ponts ne prendront pas racine ici». Le conseiller de Volodymyr Zelensky, Mykhaïlo Podoliak, a quant à lui écrit sur le réseau social: «La Crimée, le pont: tout ce qui est illégal doit être détruit, tout ce qui a été volé doit être rendu à l’Ukraine, tous ceux qui occupent l’Ukraine doivent être expulsés.» Le compte Twitter officiel de l’Ukraine, en revanche, ne fait pas dans le détail: «Sick burn» (ndlr: littéralement «brûlure de maladie», une insulte très violente) est sa seule réaction.
L’Ukraine va-t-elle récupérer la Crimée?
On peut donc soupçonner l’Ukraine d’être derrière l’attaque de la liaison. Selon «Bild», trois théories circulent quant à la méthode utilisée: des missiles Himars livrés par les Etats-Unis, un drone sous-marin ou alors un camion piégé, comme le supposent les Russes. Les deux premiers scénarios semblent plutôt improbables, le dernier l'est davantage.
C’est également l’avis de l’expert militaire australien Mick Ryan: «Pour faire s’effondrer un tel pont, il faut beaucoup d’explosifs et une bonne planification du dynamitage. Les ponts les plus difficiles à faire sauter sont les ponts en béton armé comme celui-ci. La quantité d’explosifs nécessaires serait supérieure à ce que quelques hommes pourraient porter. Quelques camions ou missiles suffiraient s’ils étaient dirigés vers les endroits les plus fragiles du pont», écrit-il sur Twitter.
Selon l’expert militaire, l’Ukraine a toujours été douée pour planifier et concevoir des opérations en amont. «Cela pourrait faire partie de leur plan de reconquête de la Crimée à court terme – ou d’une opération trompe-l’œil pour détourner l’attention des autres régions.»
Le symbole de l’annexion
Quoi qu’il en soit, la force symbolique de l’incendie est indéniable. Ce «cordon ombilical» était le «plus long pont d’Europe», annonçait-on fièrement lors de l’inauguration du pont en 2018. Le pont est le symbole de l’annexion de la Crimée par la Russie. C'est pourquoi il brûle de mille feux du point de vue des ukrainiens.
Il est peu probable que l’Ukraine assume directement la responsabilité de l’incident. Car il ne s’agit pas de la première attaque (présumée) ukrainienne contre la Crimée depuis le début de la guerre. Des frappes sur des bases de l’armée de l’air russe ont déjà été menées sur la péninsule. En août, l’aéroport militaire de Saki a été attaqué, et en octobre, des explosions se sont à nouveau produites à proximité. L’Ukraine a assumé la responsabilité des premiers événements, mais pas des seconds.
Dernièrement, des incidents impliquant des drones qui ont explosé se sont produits à plusieurs reprises dans la région de Kertch, qui jouxte directement le pont en Crimée. De son côté, la Russie a souligné qu’une attaque contre le pont constituerait un franchissement clair de la ligne rouge.
Une perte stratégique de poids pour la Russie
La perte de cette liaison pose également un gros problème stratégique à la Russie. Le pont est d’une importance capitale pour l’armée russe, car il permet aux troupes de se ravitailler sur le front de Kherson, dans le sud de l’Ukraine. Dans cette région, les soldats russes se trouvent déjà dans une situation précaire depuis des semaines. La coupure du trafic va les mettre encore plus en difficulté.
Le pont est par ailleurs important pour l’approvisionnement de la Crimée elle-même. Samedi matin, on craignait déjà que la nourriture et l’essence ne soient limitées pour la population, comme le rapportent les agences de presse russes. Mais ce n’est pour le moment pas le cas, a rassuré le gouvernement de Crimée. Les réparations du pont sont en cours de planification. On ne sait pas combien de temps il restera inutilisable. Selon des sources russes, il devrait être remis en service dès la fin octobre.