Après les menaces de Poutine
Une guerre gelée à la coréenne apparaît incontournable

Après les dernières déclarations ultranationalistes de Vladimir Poutine, l'hypothèse d'un conflit gelé en Ukraine, comme celui qui divise la Corée du Nord et la Corée du Sud depuis 1953, apparaît incontournable. Accepter Kiev dans l'OTAN aurait alors du sens.
Publié: 02.10.2022 à 18:12 heures
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Dernière mise à jour: 02.10.2022 à 19:09 heures
Le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki est, depuis le début du conflit, le principal avocat de la fermeté face à la Russie de Vladimir Poutine. La demande réitérée d'adhésion à l'OTAN de l'Ukraine mérite, selon son gouvernement, d'être reconsidérée.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Et si l’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN s’avérait, après les harangues nationalistes de Vladimir Poutine dans son dernier discours prononcé le 30 septembre, la seule manière de geler le conflit qui déchire aujourd’hui le continent européen?

Tous ceux qui redoutent une escalade nucléaire – et l’utilisation possible par la Russie d’une arme atomique tactique – estiment aujourd’hui cette hypothèse très dangereuse. Mais vu des Etats-Unis, pays qui depuis juillet 1953 compte des dizaines de milliers de soldats au pied de la zone démilitarisée qui divise en deux la Corée, ce scénario ne doit plus être écarté.

Kamala Harris en Corée

Coïncidence éminemment stratégique, la vice-présidente américaine Kamala Harris s’est rendue cette semaine auprès du contingent américain déployé le long de la fameuse DMZ. Là-bas, une mission conjointe des armées suisse et suédoise continue d’assurer la supervision «neutre» de l’accord de cessez-le-feu conclu après trois ans de conflit entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, de 1950 à 1953.

Autre coïncidence: le conflit en Ukraine a déjà fait bouger les lignes sur cette frontière minée de 248 kilomètres de longueur et de quatre de largeur puisque la Suède, qui a rejoint l’Alliance Atlantique en mars à cause de la menace russe, n’est plus un pays neutre. La Corée est-elle un modèle pour l’Ukraine de demain? Les similitudes exigent aussi de revoir la possible adhésion de cette dernière à l’OTAN, cause invoquée par Vladimir Poutine pour engager les hostilités le 24 février.

«Plus rien à négocier»

«A partir du moment où une partie du territoire ukrainien, reconnu par des frontières internationales légitimes, vient d’être annexée par la Russie, et dès lors que toute négociation semble impossible à ce stade, la donne n’a plus rien à voir avec celle du printemps» juge au téléphone un ancien responsable de l’alliance.

Sa thèse? «Il n’y a dans les faits plus rien à négocier aujourd’hui avec Vladimir Poutine. La Russie s’affiche en ennemi de l’Union européenne et des Etats-Unis. Une guerre indirecte oppose ce pays à l’Occident, via les champs de bataille ukrainiens. C’est exactement le scénario coréen. Or jamais la Corée du Sud, aujourd’hui démocratique, n’aurait tenu bon face à la Corée du Nord si les Etats-Unis ne l’avaient pas protégé l’arme au pied», analyse l’ex-responsable de l’OTAN.

Le chantage nucléaire

Le raisonnement est plein de bon sens. Si l’on estime que le gouvernement ukrainien ne disposera jamais des moyens militaires pour reprendre ses régions perdues et annexées, et si l’on veut remettre le reste de l’Ukraine debout sur le plan économique, la seule paix possible est une paix armée. D’un côté, la Russie. De l’autre, une Ukraine définitivement arrimée à l’OTAN et intégrée à terme dans l’Union européenne (UE), comme le prévoit le processus d’adhésion enclenché par les 27 pays membres de l’UE en juin 2022.

Le chantage nucléaire de Vladimir Poutine est bien sûr un élément qui doit faire réfléchir. En 1953, la Chine communiste de Mao Zedong, première alliée de la Corée du Nord de Kim Il-sung, ne disposait pas encore de l’arme nucléaire. L’Union soviétique a en revanche fait exploser sa première bombe de 22 kilotonnes en août 1949, mais le pays ne maîtrisait pas encore cette arme de destruction massive. C’est d’ailleurs des Etats-Unis, à l’époque, que vient la menace atomique. Le commandant en chef américain des forces de l’ONU, Douglas Mac Arthur, propose en 1951 de lancer une bombe atomique sur la Corée du Nord, ce qui lui vaut d’être révoqué par le président Truman.

Reste une réalité: dans ce conflit coréen, qui vit plus de deux millions de soldats perdre la vie, l’arme nucléaire ne fut pas utilisée. Un cessez-le-feu, sans accord de paix, fut conclu en juillet 1953. Et il tient depuis lors. Et ce, malgré des escarmouches et le chantage récurrent de Pyongyang qui tire régulièrement des missiles au-dessus de la mer de Corée (y compris ces derniers jours lors de la visite de Kamala Harris), et affirme disposer de l’arme atomique depuis 2006.

L’équilibre de la terreur

La réponse: l’équilibre de la terreur. Il fut celui qui permit de maintenir la paix durant la guerre froide, entre l’ex-URSS et le camp occidental. En est-on arrivé là en Ukraine? Et, si oui, comment le formaliser? La seule façon, de l’avis des experts, serait de concrétiser sur le terrain un «donnant-donnant».

La Russie garderait ses territoires annexés, sans qu’un accord de paix soit signé. L’Ukraine, armée par l’Occident, entrerait dans l’OTAN comme viennent de le faire la Suède et la Finlande. Une page de sang pourrait alors être tournée. La conséquence, comme cela fut le cas pour la Corée du Nord, serait de marginaliser l’immense Russie, membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU.

«Si la Russie arrête de se battre, il y aura la paix»

Cette équation risquée peut sembler irréaliste et impossible. Les pacifistes plaideront, eux, pour ouvrir des négociations malgré tout. Mais sur quelle base, puisque Moscou vient d’annexer des territoires ukrainiens et que la guerre se poursuit sur le terrain? Le propre d’une escalade est qu’elle bouleverse les raisonnements théoriques.

«Si la Russie arrête de se battre, il y aura la paix. Si l’Ukraine cesse de se battre, elle cessera d’exister en tant que nation souveraine indépendante en Europe, a répété vendredi 30 septembre le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg. L’OTAN réaffirme son soutien indéfectible à l’indépendance, à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Nous restons résolus à apporter notre soutien à l’Ukraine, qui continue à se défendre contre l’agression de la Russie». Et après?

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