À cause du missile en Pologne
Les politiciens du G20 réveillés en pleine nuit

Le missile tombé en Pologne a provoqué une panique mondiale: la Russie a-t-elle attaqué, volontairement ou non, un pays de l'OTAN? La question a tiré du sommeil les leaders mondiaux en Indonésie et donné lieu à une photo déjà culte. Récit d'une nuit folle.
Publié: 16.11.2022 à 19:41 heures
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Dernière mise à jour: 16.11.2022 à 19:55 heures
Un membre de la délégation allemande a capturé ce moment de tension des leaders mondiaux au réveil à Bali.
Photo: Bundesregierung via Getty Images
Chiara Schlenz

Il est 15h40 à Prewodów, petite bourgade polonaise méconnue à 8 kilomètres de la frontière ukrainienne, lorsque s'abat un missile de fabrication russe. Ses débris provoquent la mort de deux personnes et coupent le souffle du monde entier: la Russie vient-elle d'attaquer un pays de l'OTAN?

Il est 3h du matin à 10'777 kilomètres de là, à Bali en Indonésie. L'endroit est un peu plus connu: c'est là que sont réunis les chefs d'État de la planète, à l'occasion du G20. Ils sont informés de l'incident survenu en Pologne.

Jens Plötner, conseiller en politique étrangère du chancelier allemand Olaf Scholz, n'hésite pas une seule seconde: il réveille son chef, qui dort paisiblement à l'hôtel Melia de Bali. En quelques minutes, les choses se mettent en place, les dernières informations sont collectées. Au petit matin, le chancelier allemand appelle le président polonais, Andrzej Duda.

L'image des dégâts en Pologne a aussitôt fait le tour du monde.
Photo: AFP

L'incident n'a évidemment pas échappé aux Américains. À 5h20, heure de Bali, la porte-parole du National Security Council annonce que son gouvernement est déjà en pleine enquête sur ce qui s'est passé, et appelle à la prudence. De son côté, le président Joe Biden s'entretient au téléphone avec Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'OTAN.

Les leaders mondiaux s'accordent sur l'importance de tenir une réunion de crise. Elle est prévue pour 8h40 à Bali. Joe Biden rencontre le chancelier allemand, Olaf Scholz, et les leaders des principaux pays de l'OTAN (France, Canada, Italie, Japon, Grande-Bretagne, Espagne et Pays-Bas) ainsi que les représentants de l'Union européenne.

La fin de l'alerte se fait attendre

C'est peu dire que l'ambiance est tendue, dans cette salle de conférence de l'hôtel de Nusa Dua. C'est à ce moment-là que le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Hebestreit, capture une image iconique: elle montre le Français Emmanuel Macron en pleine conversation avec Olaf Scholz, tandis que l'Américain Joe Biden, l'Espagnol Pedro Sanchez et le Canadien Justin Trudeau affichent leur inquiétude de manière inhabituellement ostentatoire.

Plusieurs heures ont passé depuis l'alerte en Pologne, si bien qu'alors que l'Indonésie s'est réveillée, et avec elle les grands de ce monde, l'Europe est allée à son tour se coucher. Il est 3h du matin, sur le Vieux-Continent cette fois, lorsque Joe Biden présente les résultats de l'analyse de son gouvernement.

L'espace d'une folle nuit, un village polonais au nom imprononçable est devenu le centre du monde.
Photo: Imago

Le président américain est catégorique: ce sont «très probablement» des missiles anti-aériens S-300 des Ukrainiens qui se sont abattus sur la Pologne. Et non, comme on a pu le craindre au départ, des missiles russes qui attaqueraient un pays de l'OTAN.

Vers midi en Europe, ce mercredi, l'alerte est officiellement levée par le président polonais, Andrzej Duda. Il n'y a pas de preuve que la Russie a tiré le missile, explique-t-il. Comme les leaders mondiaux à l'autre bout de la planète, il soupçonne un missile de défense ukrainien d'être à l'origine de l'impact.

Dans des déclarations communes un peu plus tard dans la matinée, toutes les voix non-russes (Pologne, pays du G7 et OTAN) expriment leurs condoléances à la Pologne, leur soutien (presque) inconditionnel à l'Ukraine et en profitent pour appeler à la paix.

«Pas la faute de Kiev»

Dans l'après-midi, le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, s'adresse aux médias. Le Norvégien fait part de la position des pays membres de son organisation sur l'incident en Pologne. «Rien n'indique qu'il s'agissait d'une attaque délibérée ou que la Russie prévoit d'attaquer des pays de l'OTAN», (r)assure-t-il.

En tant qu'alliance de défense, l'OTAN n'interviendra donc pas dans le conflit. Une «troisième guerre mondiale», comme certains ont réagi mardi soir, reste un spectre pour l'heure éloigné de la réalité. Jens Stoltenberg n'incrimine pas l'Ukraine: «Laissez-moi être clair, invoque-t-il. Ce n'est pas la faute de Kiev, mais de la Russie.»

Face aux médias, le secrétaire général de l'OTAN a réclamé une nouvelle fois la paix en Ukraine... en justifiant le soutien militaire de son organisation: «Nous voulons tous la paix et que la guerre se termine. Mais comme le résultat des pourparlers de paix est directement lié aux résultats sur le champ de bataille, le soutien (ndlr: militaire) est le meilleur moyen d'y parvenir.»

Le secrétaire général de l'OTAN a justifié les actions militaires de son organisation.
Photo: Getty Images
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