Sanctions insuffisantes?
La finance, ce bastion du sexisme

Le sexisme au travail fait partie du quotidien de nombreuses femmes - en particulier dans le monde de la finance. Pourquoi? Julia Nentwich, professeure à l’université de Saint-Gall apporte des réponses.
Publié: 23.01.2022 à 06:09 heures
Photo: shutterstock
Sven Zaugg

Commentaires désobligeants sur des vêtements, gestes déplacés, voire agressions physiques: le harcèlement sexuel est un phénomène auquel les femmes sont confrontées à tous les niveaux de carrière et dans tous les secteurs.

Une enquête du Fonds national a révélé qu’au moins un tiers des Suissesses ont déjà été confrontées au harcèlement sexuel, et ce bien que les entreprises aient intensifié leur engagement contre les inégalités de traitement au travail. Julia Nentwich, professeure titulaire à la chaire de psychologie organisationnelle de l’université de Saint-Gall, parle d’un problème systémique. «Le monde du travail a été inventé par les hommes pour les hommes. Dans de nombreux cas, la femme n’est qu’un objet. C’est resté ainsi jusqu’à aujourd’hui. Les remarques désobligeantes à l’égard des femmes servent ce type de masculinité.»

Les banques, un milieu très sexiste

Les comportements sexistes sont particulièrement fréquents dans le monde de la finance. L'«image héroïque du banquier», les mots de Julia Nentwich, n’a guère changé. «Il dirige d’une main de fer, est très conscient de son pouvoir, presque infaillible, et travaille 24 heures sur 24, sept jours sur sept.»

Ces prétendus héros préfèrent rester entre eux. «Les femmes sont exclues de ces cliques qui concluent leurs accords dans les strip-clubs, analyse Julia Nentwich. Si un membre masculin se rebelle contre les valeurs dominantes, il est alors discrédité. Plus la société est élitiste, plus les hommes ont peur de perdre leur position dominante.»

Les femmes tentent d’ignorer le sexisme dans leur travail quotidien et de vivre avec, comme le montrent les recherches. Il faut tenir le coup, coûte que coûte. Julia Nentwich se désole qu'elles doivent en arriver là.

Des sanctions sévères

La loi sur l’égalité de 1995 interdit la discrimination fondée sur le sexe et oblige les entreprises à prévenir le harcèlement sexuel. Mais les agressions n’ont que rarement des conséquences juridiques. Si tant est que les cas soient dénoncés, ils sont complexes et difficiles à prouver.

Pour Julia Nentwich, la situation est pourtant claire: le management doit veiller à ce que les cadres et les responsables reçoivent une formation adéquate. Et si un délit est commis, il faut des sanctions sévères et se montrer intransigeant.

Un tour d’horizon du secteur montre que les choses avancent tout de même. Les grandes banques UBS et Credit Suisse ont créé récemment des hotlines où les femmes concernées peuvent se manifester. «De tels cas sont examinés par des équipes spécialement formées et les infractions avérées sont systématiquement sanctionnées», souligne la porte-parole de l’UBS Eveline Müller Eichenberger. Des formations obligatoires sur la question ont été mises en place dans plusieurs établissements. Raiffeisen met même à disposition des collaboratrices concernées un conseil gratuit auprès d’une entreprise externe, tout comme la Banque Cantonale de Zurich. Mais est-ce suffisant? «C’est un début», répond Julia Nentwich.

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