L'intelligence artificielle fascine, terrifie, subjugue et modifie. Elle modifie notre rapport au temps de façon presque addictive, en nous faisant gagner de précieuses minutes qu'on ne saurait plus supporter de perdre. Et elle modifie notre rapport au monde professionnel, au fur et à mesure que des études parfois inquiétantes prédisent l'impact de l'IA sur certains métiers. Le terme «remplacer» plane, telle une ombre menaçante, sur certains domaines d'emploi, même lorsqu'il n'est question que d'impact, d'optimisation ou d'évolution.
Par exemple, une étude de la Harvard Business School publiée fin 2023 avait déjà démontré que les emplois freelance basés sur le codage ou l'écriture sont déjà fortement menacés depuis l'arrivée de ChatGPT. D'après la responsable de la recherche, notamment citée par Swissinfo, tous les emplois seront, à terme, impactés d'une manière ou d'une autre, et devront alors s'adapter rapidement et efficacement.
Encore plus inquiétant: un sondage mené par l'Université de Zurich souligne que près de 45% des individus interrogés accepteraient de laisser une intelligence artificielle remplir des tâches typiquement attribuées à des journalistes, des enseignants ou des créateurs de sites Internet.
8% des jobs supprimés
Or, certains domaines profiteront largement de cette révolution, sachant qu'une étude scandinave commandée par Google et réalisée par l'entreprise de consulting Implement, fin août, prédit une augmentation du PIB suisse allant jusqu'à 11% (soit entre 80 et 85 milliards de francs) d'ici à 2050, si le pays parvient à tourner l'intelligence artificielle à son avantage. Le secteur du service serait le premier bénéficiaire, d'après la recherche.
Cette augmentation serait due, entre autres, à un boost impressionnant de l'efficacité des collaborateurs utilisant l'IA générative et la réinjection du temps gagné dans d'autres activités générant de la valeur.
L'étude précise également que 66% des emplois suisses pourraient profiter d'une bonne collaboration avec ces outils, tandis que 26% ne seront pas du tout affectés. En revanche, 8% des jobs (soit 400'000 postes) risquent de disparaître. Ainsi que le souligne l'auteur de l'étude, Martin Thelle, auprès du «20 Minutes», les secteurs les plus touchés seront ceux des médias, du divertissement et du droit.
Quels seront les métiers les plus impactés?
Puisque les prédictions restent souvent vagues, une grande enquête réalisée par Nokia Bell Labs Cambridge et publiée dans la revue «PNAS Nexus» début septembre s'est donné pour mission d'identifier les métiers les plus impactés par l'arrivée de l'IA.
Parmi les plus impactés, les chercheurs identifient notamment les techniciens cardiologues, les techniciens et ingénieurs du son, les techniciens en médecine nucléaire, les contrôleurs aériens et les techniciens en radiologie.
Parmi les moins impactés, on trouve par exemple les conducteurs de matériaux de construction, les superviseurs de manutention du fret aérien et, en douzième position, les podologues.
«Les occupations les plus impactées appartiennent au domaine de la santé, de l'informatique et de la manufacture, résume le texte. Ces tâches peuvent effectivement être complétées sous forme de séquences très spécifiques et exprimées dans des formats lisibles par une machine.» En effet, les auteurs notent qu'entre 2015 et 2022, 60% des tâches réalisées par les techniciens en cardiologie, ainsi que 48% des missions remplies par les techniciens radiologues (en IRM spécifiquement) ont été impactés par des brevets liés à l'automation, aux États-Unis.
Impactés... mais pas remplacés!
Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs ont analysé une liste de 17'879 descriptions détaillées de tâches professionnelles, ainsi que près de 25'000 brevets déposés aux États-Unis, en rapport avec l'IA, entre 2015 et 2022. «Nos résultats démontrent que certaines occupations seront impactées et que cet impact est intrinsèquement lié à des compétences spécifiques, dont des tâches routinières comme non-routinières.»
Or, les auteurs de l'enquête soulignent que cet impact est limité, dans la mesure que certaines occupations affectées seront enrichies plutôt que remplacées. C'est le cas des neurologues, des contrôleurs aériens et des ingénieurs en informatique. En d'autres termes, ces postes pourraient fortement changer, mais ne risquent pas de disparaître complètement.
Quels métiers disparaîtront vraiment?
Le pronostic diffère toujours un peu, selon les études. Parmi les domaines qui risquent d'être carrément remplacés (plutôt qu'augmentés), le magazine «Forbes» listait par exemple les tâches administratives ou la saisie de données, le service clientèle, certains rôles de graphisme, la manufacture ou l'assemblage de produits (déjà largement robotisée), les caisses de paiement, la traduction ou encore la photographie d'entreprise.
«Bien que l'IA pourra remplacer certains postes, elle ouvre également de nouvelles opportunités dans des secteurs exigeant des prises de décisions complexes, de l'intelligence émotionnelle et des capacités créatives que l'intelligence artificielle ne peut remplacer», rassure toutefois Forbes.