Blick: Madame Theiler, vous êtes passée des chiffres aux raisins. Pourquoi ce changement?
Nicole Theiler: Étant amoureuse du vin, j’ai parcouru bon nombre de régions viticoles. J’ai toujours été fascinée par la passion du vin, l’amour de la nature et la diversité du métier de vigneron, depuis le travail dans les vignes jusqu’à la mise en bouteille. Même si j’ai aimé exercer cette fonction de direction dans une banque avec 70 collaborateurs, après vingt ans, le temps était venu pour moi de prendre un nouveau départ.
Un saut dans le vide?
Je ne suis pas non plus naïve. Avant de prendre une décision définitive, j’ai passé quelques jours à faire des essais dans plusieurs entreprises viticoles de Suisse centrale pour voir si le travail me plaisait vraiment.
Comment a réagi votre entourage?
Quand j’ai donné ma démission, beaucoup ont pensé que j’allais chez un concurrent. Le fait de prendre un nouveau départ dans l’artisanat avec un apprentissage de vigneron et d’abandonner un emploi de bureau bien payé en a surpris plus d’un, mais l’écho a été globalement positif. Et puis, les connaissances en gestion d’entreprise que j’ai acquises dans le secteur financier me sont utiles dans le secteur viticole.
Dans quelle mesure?
J’ai pu ajouter à mon bagage théorique issu du secteur bancaire un savoir-faire artisanal grâce à ma formation de viticultrice. Aujourd’hui, après huit ans passés dans les vignes et en cave, je sais comment il faut s’y prendre pour récolter des raisins sains et vinifier un vin de qualité. L’expérience artisanale est également très précieuse à mon nouveau poste.
Quelles sont vos missions en tant que commissaire viticole?
La fonction de commissaire viticole s’appelle désormais «spécialiste en viticulture». À ce poste, je remplis plusieurs missions. La première d’entre elles consiste à prendre toutes les mesures d’exécution qu’implique l’ordonnance sur la vigne et le vin. Nous appliquons le mandat fédéral et cantonal dans la région.
Mesures d’exécution? Cela fait penser à du droit pénal.
L’ordonnance sur la vigne et le vin doit être appliquée. Nous tenons le cadastre viticole, délivrons les autorisations de plantation, établissons les passeports viticoles, procédons au contrôle des vendanges et veillons au respect des réglementations cantonales en matière d’AOC.
Quand est-il nécessaire d’avoir une autorisation de plantation?
Quand la surface plantée dépasse les 400 mètres carrés. La surface est alors inscrite au cadastre viticole et un passeport viticole est délivré pour la récolte. Ainsi, chaque kilogramme de raisin peut être tracé depuis le vignoble jusqu’au vin embouteillé.
Un viticulteur amateur ambitieux pourrait-il monter son affaire avec 300 mètres carrés de vignes?
(Rires) Non, les raisins provenant de vignobles de moins de 400 mètres carrés ne peuvent être vinifiés que pour la consommation personnelle. Autrement dit, le vin produit ne peut pas être vendu sur le marché.
Combien y a-t-il d’exploitations viticoles en Suisse centrale?
Dans les cinq cantons de Lucerne, Zoug, Uri, Nidwald et Obwald, quatre-vingt-dix exploitations ont un passeport viticole et vingt entreprises de pressurage s’occupent de la vinification.
Le contrôle et la bureaucratie sont deux aspects du métier. Quels sont les autres?
Le conseil représentera une part importante de mon nouveau poste. En l’occurrence, nos clients sont les vigneronnes et les vignerons. Nous organisons des formations continues et nous les aidons à faire face aux maladies qui frappent les vignes. Les exploitants ne doivent pas se sentir abandonnés.
Comment allez-vous partager votre temps entre le bureau et le terrain auprès des producteurs?
Mon objectif est de passer deux jours fixes au bureau.
Quelle est la tâche dont vous vous réjouissez le plus?
J’ai hâte de rencontrer en personne les vigneronnes et les vignerons de la région et de faire plus ample connaissance.
N’avez-vous jamais été tentée d’avoir votre propre domaine?
Être à la tête de son domaine est certainement une expérience fantastique, mais cela veut dire également que vous ne pouvez plus en bouger. Ce qui m’intéresse, c’est l’image globale de la viticulture en Suisse centrale, ainsi que la comparaison et les échanges au sein de la branche viticole à l’échelle nationale. Le développement de notre viticulture passe par une approche globale.