Des morceaux d'histoire
A Monaco, les caves de l'Hôtel de Paris dévoilent leurs trésors

Dans les caves historiques de l'Hôtel de Paris à Monaco, un trésor de 350'000 bouteilles de vin attend patiemment d'être dégusté. Gennaro Iorio, maître caviste, veille sur cette collection exceptionnelle avec passion depuis 1993.
Publié: 20.10.2024 à 10:37 heures
Depuis les années 1970, les caves de l'Hôtel de Paris sont devenues «un lieu d'élevage».
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AFP Agence France-Presse

Romanée-Conti, Clos de Vougeot, Petrus, Château d'Yquem... Dans les allées voûtées des caves de l'Hôtel de Paris, creusées il y a 150 ans dans le rocher de Monaco, sommeille un trésor de 350'000 bouteilles qui attendent parfois des décennies avant d'être servies. Au détour des couloirs modernes et aseptisés des sous-sols du luxueux hôtel, propriété de la Société des Bains de Mer (SBM), une grande porte en bois détonne, frappée de l'inscription «1874», souvenir de l'époque où la minuscule principauté, tout juste amputée de terres agricoles alentours, a misé sur les jeux et le tourisme.

Derrière le battant vert sombre, les caves étaient au départ un lieu de mise en bouteille du vin arrivant en barriques depuis les domaines bordelais. Depuis les années 1970 elles sont devenues «un lieu d'élevage», explique Gennaro Iorio, maître caviste depuis 1993. «On achète le vin directement aux châteaux et aux propriétés et on lui donne les conditions de stockage pour le faire vieillir et le proposer à la vente au moment optimal», explique ce Napolitain arrivé à l'oenologie par hasard, après avoir travaillé au casino. Pour cela, la température est maintenue toute l'année à 13,5/14 degrés et l'hygrométrie à 75/80%, «des conditions d'élevage et de stockage, pas de service».

D'autres caves, installées dans les hôtels de la SBM, créée en 1863 et détenue à 63% par l'Etat monégasque, accueillent les bouteilles prêtes à être débouchées dans la quarantaine de points de vente du groupe.

Une certaine histoire de France

Et les affaires tournent, avec plus de 820 bouteilles ouvertes par jour, du service en chambre aux bars et discothèques, en passant par une vingtaine de restaurants dont plusieurs étoilés au guide Michelin.

Un grand nombre sont passées par les quelque 1,5 km de casiers en bois aux étagères modulables de la cave centenaire, qui compte actuellement près de 7000 références. «C'est une sélection éclectique, très riche», savoure M. Iorio. Dans les casiers, les vins sont classés par région, couleur, millésime… La France règne sans partage, seulement 5% des bouteilles arrivant d'Italie ou de plus loin. Le budget d'achats dépasse les 10 millions d'euros par an.

Un investissement conséquent pour des bouteilles qui peuvent rester longtemps «à l'élevage». Ainsi, pour les grands crus bordelais, la cave sort actuellement des millésimes 2005 achetés en primeurs en 2007.

Si de discrètes caméras veillent sur les grands crus, quelques centaines de Romanée-Conti, les plus touchées par une spéculation pouvant rendre les prix démentiels, ont droit à une alcôve fermée par de lourdes grilles. Mais Gennaro Iorio est surtout fier de la petite salle du fond. Pendant l'Occupation, elle a caché Cognac, Armagnac et argenterie derrière des rangées de bouteilles vides. Elle a aussi servi de salle de réception pour la famille princière: Rainier III et Grace y ont fêté leurs 20 ans de mariage.

«Il n'y a jamais assez de références!»

Depuis 1987, elle abrite une «réserve patrimoniale» de vins de Bourgogne, sur lesquels les caves avaient du retard. «C'est du vin que nous choisissons d'oublier pour créer de la profondeur dans les millésimes», explique le chef caviste. «Ce ne sont pas les plus chers mais certainement les plus rares. Ils sont ici pour assurer l'avenir». Quelques pièces historiques, réunies dans une petite vitrine, ne seront jamais ouvertes. Comme un cognac de 1811 dédié au fils de Napoléon 1er ou un Mouton-Rothschild de 1945. Tout juste admirées par les rares visiteurs des lieux.

Malgré une demande croissante, la SBM réserve l'accès à une poignée de clients privilégiés, qui ont droit à des dégustations, des dîners ou des cours d'œnologie sous les voûtes humides, souvent en présence de propriétaires des grands domaines dont la production s'arrache. Si les crus les plus précieux sont réservés au «Louis XV» d'Alain Ducasse (trois étoiles), les bouteilles ont toutes vocation à être servies dans les établissements de la SBM, comme Le Grill (une étoile), au 8e étage de l'Hôtel de Paris, avec une vue magistrale sur le casino et la mer.

«C'est précieux d'avoir la puissance de frappe des caves», explique le chef sommelier, Mathias Negro, en présentant une carte de vins où les bouteilles vont de 100 à plusieurs milliers d'euros. «On a une clientèle de plus en plus exigeante, qui voyage beaucoup et qui compare beaucoup. Il n'y a jamais assez de références!»

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