Le monde du vin, comme celui de l’art, est un secteur qui attire les faussaires. Un vin contrefait avec sérieux peut facilement rapporter une dizaine de milliers de francs suisses.
Certains vignerons malintentionnés et cupides n’hésitent pas à allonger ou falsifier leur vin.
1985: le scandale de l’antigel autrichien
Imaginez un vigneron autrichien, dont les vignes sont malheureusement situées sur le flanc Nord d’une colline. Son vin est donc plus maigre et plus vert que les vins de son collègue, dont les cépages sur le flanc Sud sont baignés de soleil.
Le vigneron se dit alors: «Il doit bien y avoir un moyen d’arranger cela. Mais oui: je vais simplement ajouter à mon vin un peu de diéthylène glycol!»
Aussitôt dit, aussitôt fait. Et cela fonctionne: le vin devient bien meilleur. Sauf que le diéthylène glycol entre dans la composition des antigels et est très nocif! Une personne décède et le scandale éclate. Le marché autrichien du vin s’écroule et entraîne la destruction de 27 millions de litres de vin. L’importation des vins autrichiens est également interdite.
Il faudra 15 ans à l’Autriche pour se remettre du scandale, qui a même été évoqué dans un épisode de la série «Les Simpson».
Et d’ailleurs, le scandale de l’antigel a même impacté la vente de vins australiens. Pourquoi? Tout simplement parce que les noms «Austria» (Autriche) et «Australia» (Australie) prêtent facilement à confusion.
En langue allemande, le fameux «Prost!» («Santé!») a même pendant un temps été remplacé par «Frost!» («Gel!») pour trinquer avec des vins autrichiens. Une petite blague à éviter de nos jours si vous ne voulez pas vous faire d’ennemis!
2008: le Brunellogate italien
Alors que la crise financière battait son plein, un scandale se préparait dans la plus belle région viticole italienne: les enquêteurs ont découvert qu’un important producteur a ajouté du merlot à son Brunello di Montalcino pendant près de 25 ans. En réalité, seuls les cépages Sangiovese sont autorisés. Une règle stricte qui émane de la DOCG (Dénomination d’Origine Contrôlée et Garantie), chargée de garantir la «pureté» des vins italiens.
L’organisation qui gère la DOCG veille à ce qu’aucun vin ne respectant pas scrupuleusement les règles de fabrication ne soit autorisé. Pour le Brunello di Montalcino, la règle est claire: 100% de raisins Sangiovese.
Quand le scandale éclata, les producteurs de vin remirent sérieusement en question le rôle de la DOCG et exigèrent une levée des règles trop strictes. La même année, le vote organisé en conséquence a pourtant révélé qu’une grande majorité souhaitait les converser.
Le scandale n’a toutefois laissé aucune trace, bien au contraire: le tourisme a même augmenté, tandis que les ventes et l’export sont restés stables.
Le Brunello di Montalcino a certes été interdit aux États-Unis, mais personne n’a été sanctionné à ce jour. Il est possible que les fonctionnaires alors en poste aient reçu une nouvelle Alfa Romeo ou une Ferrari dans leur garage.
Le «Brunellogate», comme les médias l’appelèrent, a certes été plus retentissant que le scandale autrichien, mais il n’a cependant eu aucune conséquence lourde. Il a néanmoins fortement mais brièvement fragilisé les fondements de l’industrie viticole, menaçant même de ruiner certains domaines séculaires, parmi les meilleurs d’Italie. Un mauvais souvenir qui continue de ressurgir parfois, mais qui est vite oublié après deux verres de ce magnifique vin de la région.
Dr. Conti
Le marchand de vins originaire d’Indonésie, Rudy Kurniawan (45 ans) fait partie «des plus grands et des plus célèbres faussaires du vin au monde». Rudy Kurniawan a amassé une fortune avec des vins rares. En 2014, il est la première personne à avoir été condamnée pour contrefaçon de vins. Il a purgé sa peine de prison jusqu’en novembre 2020 avant d’être renvoyé dans son pays d’origine, l’Indonésie.
Rudy Kurniawan, alias «Dr. Conti» en référence à son commerce lucratif avec le Domaine de la Romanée-Conti, a gagné des millions en vendant de faux grands crus entre 2004 et 2012. Il a écoulé la plupart de ses bouteilles par le biais de maisons de vente aux enchères telles Acker Merrall & Condit, qui sont parvenues, en seulement deux ventes, à rapporter à Rudy Kurniawan la modique somme de 35 millions de dollars américains.
Mais dans l’euphorie de sa réussite persistante, Rudy Kurniawan a fini par commettre une imprudence. Il s’est notamment mis à proposer des millésimes Clos Saint-Denis datés de 1945 à 1971 alors que le domaine n’a produit son premier cru qu’en 1982. Sa falsification des bouteilles du Clos de la Roche millésime 1929 du Domaine Ponsot fut elle aussi trop hasardeuse, le Domaine Ponsot n’ayant commencé à commercialiser son vin sous son nom qu’à partir de 1934.
À la fin de sa carrière, Rudy Kurniawan s’est également un peu emporté avec son commerce de Romanée-Conti: le fameux domaine qui ne détient que deux hectares de vignoble, produit annuellement moins de bouteilles que le nombre que le faussaire stockait alors dans son garage.
Depuis que Rudy Kurniawan a fait les gros titres de la presse, la fraude au vin est devenue un thème récurrent dans l’univers du vin, au grand dam des amateurs. Son histoire a été adaptée au cinéma dans le documentaire britannique «Sour Grapes» (2016).