Sans pitié pour ses croissants
Les fans d'«Emily in Paris» défoncent la boulangerie de la série

Dans la série Netflix, Emily, fraîchement débarquée à Paris, découvre le pain au chocolat dans une boulangerie devenue depuis un lieu de pèlerinage pour touristes. Qui flinguent la boutique dans les commentaires, ce dont le gérant commence à en avoir ras le croissant.
Publié: 21.04.2023 à 16:06 heures
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Dernière mise à jour: 21.04.2023 à 20:53 heures
Série Netflix ou pas, on ne rigole pas avec la qualité des boulangeries à Paris.
Photo: DR
Jennifer Segui

La scène est l’une des premières de la série. Parfaite pour planter le décor et commencer fort avec les clichés, que la production, créée par le célèbre show runner Darren Star, («Sex and The City», «Beverly Hills 90210»), multiplie allègrement. Car, dans «Emily in Paris», tout n’est qu’ordre et beauté, luxe calme et volupté. Et Paris a des airs de Disneyland.

C’est dans l’épisode 1 de la saison 1 que l’héroïne incarnée par Lily Collins, fraîchement débarquée dans la capitale pour un job alors qu’elle ne pipe pas un mot de la langue de Molière, passe la porte d’une boulangerie pour y goûter le fameux pain au chocolat (qui s'appelle en réalité chocolatine…)[la rédaction ne censure pas ces propos, mais ne les cautionne pas pour autant], emblème, avec la baguette, le béret et les grèves, de ce qui fait la grandeur de la France. Accueillie par une vendeuse ronchonne qui râle et reprend systématiquement ses fautes de déterminants, la jeune femme parvient à obtenir la fameuse viennoiserie et s’en délecte avec un plaisir quasi orgasmique.

Enseigne vintage, intérieur tapissé de carreaux de métro blancs, comptoir croulant sous les gâteaux en tout genre, la boutique a tout de la boulangerie de quartier typiquement parisienne. Logique, quand on sait que l’enseigne existe vraiment et que cette «Boulangerie Moderne» accueille bel et bien ses clients dans le cinquième arrondissement de la capitale, au 16, rue des Fossés Saint-Jacques, à mi-chemin entre le Panthéon et le jardin du Luxembourg.

«Je ne suis pas Pierre Hermé»

Depuis la diffusion de cet épisode et le succès de la série qui a redoré l’image de la capitale auprès des touristes étrangers, le lieu est devenu une étape incontournable du «Emily in Paris tour», au même titre que le restaurant de Gabriel, le date d’Emily, situé dans la même rue. Une popularité au départ appréciable pour la boutique, qui a vu son chiffre d'affaires croître et sa fréquentation, notamment estivale, augmenter. Mais un succès qui commence à tourner au vinaigre pour Thierry Rabineau, gérant depuis neuf ans de cette enseigne artisanale qui déclarait au micro de la chaîne française d’information continue BFM être irrité par la tournure des événements.

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La cause de l’agacement de l’artisan? Les remarques pas toujours très sympas de ceux qui ont franchi la porte de la boutique en quête de l’extase boulangère ressentie par Emily et qui n’ont croqué «que» dans une version classique, quoique bien maîtrisée selon les locaux, de cette viennoiserie aujourd’hui déclinée par les plus grands, comme celles que BFM a relevées parmi les 548 commentaires de la page Google de l’établissement. «Très déçue du fameux pain au chocolat Emily in Paris», «Il y a beaucoup de monde, les gens viennent juste à cause de la série», «Serveuse pas aimable», «Ça ne vaut pas la peine d'y aller». Des critiques qui paraissent injustes puisque la boulangerie obtient tout de même la note de 4,5/5 et a même été sélectionnée cette année pour le prix du meilleur croissant de Paris.

«Pas un truc de ouf»

Une colère au départ relayée par Inès, la fille de Thierry Rabineau, qui déclarait dans une vidéo sur TikTok: «Mon père est profondément peiné par la situation (...) Il commence à vraiment très très mal (le) vivre, au point où il m'appelle tous les soirs» avant d’ajouter :«Vous ne vous rendez pas compte, mais quand on critique son travail, c'est comme n'importe qui, ça le touche dans son cœur, c'est viscéral».

Pour la jeune femme, étudiante à Paris, la raison de ces critiques pas toujours objectives est à chercher chez ceux qui confondent un peu trop fiction et réalité: «Malheureusement beaucoup de gens viennent et s'attendent à voir quelque chose de fou alors qu'on reste une boulangerie très classique. (...) On n'est pas là pour vous vendre du rêve! On fait de la bonne came, mais ne vous attendez pas à un truc de ouf», explique-t-elle en ajoutant, «désolée pour ceux qui s'attendaient vraiment à une dinguerie».

Thierry Rabineau, interrogé par BFM, confirme: «Ça nous mine. À cause de la série, les gens ont des attentes inappropriées. Ils se disent que nos produits vont être incroyables. Nous restons une boulangerie de quartier classique, on n'a jamais prétendu être autre chose» et ajoute: «Je ne suis pas Pierre Hermé, je sais bien que je ne joue pas dans la même cour, là n'est pas la question».

Un traitement un peu injuste donc qui ne refroidit pourtant pas le gérant, qui cogite actuellement sur une boulangerie totalement identique à la sienne implantée en Arabie Saoudite et qui s’apprête à accueillir les équipes de tournage de la série pour une quatrième saison.

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