Inutile de rappeler que le sucre est une cochonnerie pour les dents... et la santé en général. Ce que l'on sait un peu moins, par contre, c'est que sa consommation peut avoir un effet sur notre psychisme. Pour être honnête, nous ne le savions pas non plus. C'est Gregor Hasler, célèbre psychiatre et auteur à l'Université de Fribourg, qui nous l'a appris. On vous emmène discuter avec lui, c'est parti.
Monsieur Hasler, quel est le lien entre l'alimentation et le psychisme?
Notre intestin et notre cerveau sont reliés par le système nerveux et communiquent en permanence. De plus, notre système immunitaire et notre équilibre hormonal ne sont pas contrôlés par le cerveau, mais par l'intestin. Ce que je mange a donc une influence directe sur mon psychisme.
Vous pouvez nous en dire un peu plus?
Chez les personnes qui sont souvent stressées et qui mangent de manière irrégulière, un changement d'alimentation peut avoir un impact important et, dans le meilleur des cas, prévenir une dépression. Notre bien-être dépend en effet fortement de l'état de notre microbiome, c'est-à-dire de nos bactéries intestinales. Si nous les alimentons avec des probiotiques, à savoir des aliments fermentés, cela fait du bien à notre psychisme.
De quels aliments s'agit-il?
Les produits laitiers acidulés comme le yaourt nature et le kéfir ou les fromages comme le gruyère, le cheddar et le parmesan sont particulièrement probiotiques. Il en va de même pour les légumes marinés comme le kimchi, la choucroute ou les cornichons. Par ailleurs, les fruits et légumes frais ainsi que les céréales complètes sont très digestes et ont un effet positif sur notre bien-être.
Mais alors, pourquoi est-ce qu'on préfère se récompenser avec des sucreries plutôt qu'avec de la choucroute, après une journée difficile?
Manger des sucreries a toujours eu une fonction protectrice au cours de l'évolution. Ce qui a naturellement un goût sucré est généralement comestible sans crainte — ni toxique ni avarié. C'est pourquoi notre cerveau perçoit encore aujourd'hui le sucre comme une récompense. Si nous allons mal, il est compréhensible que nous nous tournions vers les sucreries. Le sucre nous procure un sentiment de bien-être et de sécurité. Mais c'est en même temps un problème...
Mais non? Pourquoi?
Parce que nous en consommons trop. Il n'y a pratiquement pas de sucre pur dans la nature. Même les fruits sucrés contiennent, outre du sucre, de nombreuses fibres. Les céréales et les lentilles contiennent du sucre sous forme d'hydrates de carbone complexes que notre corps ne dégrade que lentement. Et l'industrie alimentaire ajoute aujourd'hui du sucre cristallisé pur à de nombreux aliments transformés et exploite ainsi les signaux de récompense de notre cerveau. Nous devenons dépendants de la récompense. Le problème, c'est que celle-ci ne dure jamais longtemps, car le sucre pur est rapidement dégradé. Donc à long terme, notre système de récompense s'émousse.
Et cet émoussement, comme vous dites, nous rend dépressifs?
Exactement. Une récompense avec des sucreries n'a de sens qu'à court terme. Si nous mangeons constamment des sucreries et des snacks, même entre les repas, le corps sécrète en permanence de l'insuline pour éliminer le sucre. C'est un stress constant pour notre corps. Et, à long terme, nous réagissons de moins en moins au sucre. Le sentiment de récompense n'existe plus. Et cela peut favoriser la dépression.
Quel type d'alimentation serait donc le meilleur pour notre psychisme?
La cuisine méditerranéenne, avec des fruits et légumes variés et frais. Ce n'est pas seulement ce que nous mangeons qui compte, mais aussi la manière dont nous le faisons. On le voit bien en Italie. La nourriture y a une grande importance. On prépare souvent des plats frais tous les jours, on mange généralement ensemble et non pas seul. Il y a trois repas corrects par jour et peu de snacks entre les repas. En Sardaigne, de nombreuses personnes vivent plus longtemps que la moyenne. Cela est dû en grande partie à leur alimentation.