Pénurie de moutarde en France
La Suisse va-t-elle être touchée à son tour?

Depuis plusieurs mois, les pots de moutarde sont une denrée rare dans les supermarchés français. Ces derniers jours, les spécialistes chez nos voisins ne sont pas plus optimistes pour la suite. Les Suisses doivent-ils faire des provisions?
Publié: 26.07.2022 à 16:24 heures
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Dernière mise à jour: 26.07.2022 à 16:37 heures
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En France, la moutarde se fait rare dans les supermarchés.
Photo: Shutterstock
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Grégory BeaudJournaliste Blick

Un tour dans les supermarchés français suffit à se rendre compte du problème: les étals de moutarde sont quasi vides. Et la situation dure depuis un certain temps déjà. Plusieurs spécialistes interrogés par les médias tricolores en début de semaine rient jaune (moutarde) face à cette situation qui ne devrait pas s’améliorer rapidement.

Au mieux prévoient-ils un retour à la normale courant 2023, mais ils ne tournent pas autour du pot. «Je crains que cela ne prenne encore un peu de temps avant de pouvoir se réapprovisionner. Ça sera tendu jusqu’en 2024», a même confié Luc Vandermaesen, directeur de Reine de Dijon et président de l’Association Moutarde de Bourgogne, à nos confrères du «Midi Libre».

Le 1er Août pas menacé

Dès lors, une question (piquante, évidemment) est déjà sur toutes les lèvres: devra-t-on trouver une alternative pour accompagner les saucisses de veau du 1er Août? «Nous ne prévoyons pas d’interruption de la disponibilité de nos produits à court terme», rassure-t-on d’emblée du côté de la marque Thomy, interrogée par Blick par l’intermédiaire d’une porte-parole de Nestlé.

Si la Fête nationale n’est pas menacée, le risque que la moutarde monte au nez des acheteurs est bel et bien présent. Et cela pourrait même avoir un impact sur le porte-monnaie des consommateurs. Du côté de la multinationale basée à Vevey (VD), on se veut rassurant: «Nous mettons en place les mesures nécessaires pour en assurer l’approvisionnement à long terme.»

Cela coince au Canada et en Ukraine

Mais pourquoi une telle pression sur cette denrée? Comme souvent, la météo en est la cause principale. La météo canadienne, pour être précis. Le pays nord-américain qui produit 80% des graines de moutarde mondiales a été touché par une sécheresse l’été passé. Selon le Ministère de l’agriculture canadien, la perte était de l’ordre d’une trentaine de pourcents. L’Ukraine aurait pu représenter une solution de secours. Mais pour des raisons évidentes, ce n’est plus une option. Alors, la moutarde est-elle en passe de devenir le nouvel or jaune?

Forcément, la baisse de l’offre a fait augmenter la demande. «Les graines de moutarde que nous achetons proviennent principalement du Canada, tandis qu’une moindre proportion vient d’Autriche et de Hongrie, poursuit-on du côté de Nestlé. Nous nous attendons à une forte pression sur les prix et la disponibilité de cette matière première, notamment en raison de la dernière récolte de graines de moutarde au Canada, qui a été mauvaise.»

Pression sur les prix

Thomy, qui produit sa moutarde dans son usine de Bâle, compte toutefois éviter de répercuter cette situation sur les consommateurs. Du moins pour le moment, comme le confirme la porte-parole de Nestlé: «Nous n’avons pas augmenté le prix de notre moutarde les douze derniers mois et nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour réaliser d’abord des économies de coûts et des gains d’efficacité. L’augmentation des prix est notre dernier recours, après toutes les autres mesures d’économie.»

Et du côté des revendeurs? Coop confirme mesurer les premiers effets de cette crise sans avoir maille à partir avec ses clients pour le moment: «À l’heure actuelle, nous ressentons des effets sporadiques sur l’offre de produits étrangers à base de moutarde. A moyen terme, il faut attendre les évolutions. Toutefois, nous surveillons de très près l’ensemble du marché et sommes en contact étroit avec nos fournisseurs.»

Producteurs indépendants pas touchés

En Suisse, plusieurs producteurs fabriquent de la moutarde. C’est le cas de Joël Beney, fondateur de la Moutarde Dudit Jo. «C’est moi qui ai acheté le dernier sac de graines de moutarde à mon producteur, rigole-t-il. J’attends la nouvelle récolte avec impatience, car c’est tendu au niveau du stock.»

Et en ce qui concerne les ventes? Le Vaudois vit un été particulier. «À cette période, c’est très calme, explique-t-il, fort de ses cinq années d’expérience. Mais depuis le début d’été et plus particulièrement ces deux ou trois dernières semaines, j’ai eu deux grosses commandes. Cela m’a permis de bien bosser. Je ne sais pas si c’est lié à la situation internationale ou non, mais c’est en tout cas une situation satisfaisante ce d’autant plus que le début 2022 a été compliqué.» Mais il précise qu’il a encore suffisamment de moutarde, au cas où.

Son produit, le Montreusien le fabrique grâce aux graines cultivées du côté de Cottens par Julien Bugnon. Comme les Canadiens, l’agriculteur des hauts de Morges a souffert de la sécheresse. Conséquence, une récolte bien inférieure aux années précédentes. «Les bonnes années, nous cultivons 1500 kilos de graines de moutarde par hectare, détaille-t-il. Cette année, on a peiné pour arriver à 700 kilos.»

Cinq tonnes en moins

Des 20 tonnes escomptées, Julien Bugnon en a ramassé cinq de moins. «C’est terriblement difficile de prévoir ce qui va se passer dans les prochaines années, poursuit-il. Les gens ne se rendent pas compte, mais c’est tellement dépendant des conditions météorologiques que je ne suis pas capable de vous dire si l’an prochain sera une meilleure année pour cette partie de mon exploitation.»

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Julien Bugnon ne voit tout de même pas la pénurie arriver dans les étals suisses. «C’est une analyse très personnelle, mais la Suisse est un pays riche et si cette situation débouche sur une différence d’un franc sur le pot de moutarde, cela ne changera pas grand-chose pour le consommateur moyen.» Pour lui, en revanche, la sécheresse et la faible récolte ont eu un impact direct: «Ce n’est pas une bonne année pour ce produit mais les charges sont exactement les mêmes.» Toutefois, son exploitation de Cottens est suffisamment diversifiée pour lui permettre de compenser ailleurs. Pour étayer ses dires, il prend 2021 comme exemple: «C’était une année exceptionnelle pour la moutarde et catastrophique pour les lentilles. Et aujourd’hui, c’est exactement l’inverse.»

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