Le goût dans tous ses états
Les saveurs à choisir en avion pour en finir avec la bouffe insipide

Monter en altitude altère subtilement notre sens du goût. Plus que les papilles, c’est notre nez qui joue les trouble-fêtes et donne un goût de carton à la nourriture. Heureusement, il existe des moyens d'exciter ses papilles...
Publié: 25.07.2023 à 15:00 heures
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Dernière mise à jour: 25.07.2023 à 15:38 heures
Que l’on soit à bord d'un avion ou dans un refuge en montagne, l’air est très sec, ce qui assèche le nez et la bouche et handicape ainsi notre perception olfactogustative.
Photo: Shutterstock
Marie Maurisse

Vous l’avez sans doute remarqué en prenant l’avion: le champagne n’a pas le même goût, ses bulles sont grossières et le liquide doré tire sur l'amertume. Pareil pour le vin, triste et fadasse. La compagnie aérienne vous servirait-elle de la piquette?

Absolument pas! Si votre palais ne rit pas, c’est qu’en altitude, la perception des saveurs change. Ce ne sont pas tant nos papilles qui nous jouent des tours, mais notre nez, qui peine à discerner les odeurs. Et c’est un vrai problème, puisque le goût repose en grande partie sur les odeurs.

En altitude, le nez pique du nez

Que l’on soit à bord d'un avion ou dans un refuge en montagne, l’air est très sec, ce qui assèche le nez et la bouche et handicape ainsi notre perception olfactogustative, comme nous l’explique Julien Wen Hsieh, otorhinolaryngologiste aux Hôpitaux universitaires de Genève. «Cette situation est très handicapante, parce que quand nous mangeons, la majorité de ce que nous percevons sont les arômes, et cela passe par l’odorat. Nous l’avons tous vécu quand nous avons un rhume: les plats paraissent beaucoup plus fades.»

Et le spécialiste de mentionner une étude menée en 2013 sur 41 volontaires qui ont reniflé des arômes à une altitude de 2200 mètres. Conclusion: leur odorat était bien moins performant que lorsqu’ils se trouvaient au niveau de la mer.

Qu'en disent les chefs? Loris Lathion, éminent chef au Mont-Rouge dans la station de Haute-Nendaz (VS), cuisine quotidiennement à une altitude de 1365 mètres… mais n’était pas au courant que les sens de ses clients étaient amoindris dans les montagnes - le signe que son talent est grand!

Comment bien exciter ses papilles

Ne cédez toutefois pas à la fatalité: nous vous avons préparé une petite liste des mets les plus sapides en altitude, de quoi savoir quoi choisir lors de votre prochain vol.

Lors de l’apéro, vous avez sans doute remarqué que le jus de tomate a vraiment la cote en avion. Lufthansa dit même en écouler autant que la bière, c’est dire! Ce n’est pas une mode (la tendance remonte au début du XXe siècle) ni du panurgisme.

En fait, le jus de tomate (ou le Bloody Mary, pour se mettre bien) a vraiment meilleur goût en altitude, lorsque le nez est sec et que l’odorat est altéré. Sa saveur perçue au sol, subtilement terreuse, évolue alors en quelque chose de plus doux, de plus fruité et de plus rafraîchissant lorsqu’on grimpe en altitude. Les tomates sont par ailleurs connues pour leur saveur umami lorsqu'elles sont cuites ou mûres. Or la perception de cette saveur ne semble pas souffrir de l’altitude et devient donc plus prononcée lorsque les autres se mettent en retrait.

Si vous n’aimez pas la tomate, il reste toujours de l’eau pour vous rafraîchir, surtout avec quelques feuilles de menthe pour renforcer la sensation de fraîcheur, qui passe par le nerf trijumeau et non par la langue ou le nez.

Au moment de passer à table, les plats aux saveurs complexes sont généralement les plus demandés. Chez Swiss, le poulet au curry ou l’émincé à la zurichoise font partie des hits préparés par l’entreprise Gate Group. Olivier Fischer, directeur du segment culinaire global, l’affirme: avec les mets relevés en sauce, le chef peut faire mijoter les saveurs plus longtemps, pimenter davantage, voire les faire infuser ou les faire cuire sous vide afin d’en booster les saveurs, notamment parce que comme l’umami, la sensation épicée est inaltérée en altitude.

En l'air, on évite l'amer

Une autre saveur se trouve carrément renforcée dans les airs: l’amer. Evitez donc les choux, endives ou brocolis. C’est une autre étude qui l’a prouvé en testant les capacités de 51 personnes à sentir le phénylthiocarbamide (PTC) à 3300 mètres d’altitude. Résultat: certaines personnes percevaient mieux ce composé amer que lorsqu’ils étaient au sol. «L’hypothèse est que l’augmentation des hormones comme l’insuline et le cortisol dans le corps, qui se produit en altitude, stimule la perception de ces goûts, avance l’ORL Julien Wen Hsieh. Une fois qu'on redescend en plaine, nos capteurs redeviennent comme avant.» Côté boisson, les amateurs de vin rouge choisiront plutôt un cépage doux au détriment des vins tanniques, plus amers.

Parmesan, champignons, tomate, algue… Miam! On trouvera la «5e saveur», l’umami, dans tous ces aliments. L’umami, mot tiré du japonais «savoureux», garde toute sa puissance en altitude, et donne envie de manger. C’est pourquoi British Airways le considère comme un élément fondamental pour les menus servis par la compagnie aérienne dans le cadre de sa stratégie Height Cuisine. Champignons, coquillages, truffes, tomates et autres produits umami viennent en renfort du goût des plateaux repas, sans recourir à l'abus de sel et de sucre. Alors, pour votre prochain vol, n'hésitez pas à solliciter vos papilles plus que de raison...

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