Il a le goût du poulet
Personne ne veut manger de serpent, et c'est dommage pour le climat

La chair de serpent pourrait représenter une source durable de protéines alimentaires dans de nombreuses régions du monde. Problème: personne ne semble en vouloir jusqu'à présent.
Publié: 18.07.2024 à 11:28 heures
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Dernière mise à jour: 18.07.2024 à 11:43 heures
De la viande de serpent sur un marché asiatique. Elle est réputée pauvre en acides gras saturés, et sa texture ressemblerait à celle du poulet.
Photo: Shutterstock
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AFP Agence France-Presse

Bientôt du steak de serpent au menu? Dans le centre de la Thaïlande, un éleveur de pythons se débarrasse de la chair de reptiles à contre-cœur, faute de marché, en dépit de son potentiel nutritionnel vanté par des scientifiques.

«C'est un véritable gâchis», se lamente auprès de l'AFP Emilio Malucchi. «Moi, je mange de la chair de python parce que je sais comment je les ai élevés. (..) Nous devons éduquer les gens sur les possibilités qu'elle offre», insiste-t-il.

L'éleveur Emilio Malucchi récupère la peau des pythons pour le compte de l'industrie du luxe.
Photo: AFP

Les près de 9000 serpents de la ferme d'Emilio Malucchi, dans la province d'Uttaradit (nord), sont destinés à l'industrie du luxe, qui apprécie leur peau robuste et graphique pour la fabrication de ceinturons, de sacs ou de chaussures. La chair termine à la poubelle, ou des fermes piscicoles l'achètent pour une misère.

Une parade à l'insécurité alimentaire

Dans un contexte de hausse de la demande mondiale de viande, les reptiles représentent une option jusqu'ici négligée, estiment des scientifiques, d'autant que la lutte contre le changement climatique pousse à reconsidérer les habitudes de consommation et de production alimentaire.

Une fois dépecés, les pythons sont revendus pour une somme modique à des fermes piscicoles, lorsqu'ils ne sont pas jetés.
Photo: AFP

«Le python d'élevage pourrait constituer une réponse souple et efficace à l'insécurité alimentaire mondiale», a conclu une étude publiée en mars dans la revue «Nature» portant sur 5000 pythons réticulés et pythons birmans de deux fermes en Thaïlande et au Vietnam.«Ils peuvent survivre pendant des mois sans nourriture ni eau, sans perdre la moindre condition physique», et se reproduire rapidement, précise l'herpétologue Patrick Aust, l'un des auteurs du papier.

Consommé depuis longtemps à petite échelle dans toute l'Asie du Sud-Est, le python n'a pas encore trouvé de débouchés internationaux malgré une texture proche du poulet, et une faible teneur en matières grasses saturées. La viande de ruminant, principalement le bœuf, a été «constamment identifiée comme l'aliment ayant le plus grand impact sur l'environnement», selon le GIEC, un groupe d'experts de l'ONU sur le climat. Cet impact se traduit à la fois par des émissions de gaz à effet de serre et par des changements dans l'utilisation des sols.

Un python dans sa cage, dans la ferme d'Emilio Malucchi.
Photo: AFP

Mijoté en curry

Dans de nombreuses régions du monde, les populations ne mangent pas assez de protéines. En 2021, la malnutrition protéino-énergétique a causé près de 190'000 décès dans le monde, selon l'étude Global Burden of Disease. Ce paradoxe a incité à explorer les alternatives à la viande, qu'il s'agisse d'insectes comestibles ou de viandes cultivées en laboratoire.

Mais ces nouvelles nourritures n'en sont qu'à leurs balbutiements et la mise sur le marché de viandes de serpent répond à des normes sanitaires strictes, notamment dans les marchés importants comme les Etats-Unis ou l'Union européenne.

Malgré tous les obstacles, Patrick Aust juge que la viande de serpent garde un «potentiel énorme». «Vous pouvez la cuire au barbecue ou la faire mijoter dans des currys et des ragoûts. J'aime la faire sauter jusqu'à ce qu'elle soit bien croustillante et la manger avec une sauce au beurre aillé» explique-t-il.

Mais des défenseurs des droits des animaux ont critiqué les conditions d'abattage des serpents. Au début de l'année, l'ONG PETA a accusé la ferme d'Emilio Malucchi de cruauté après avoir filmé en secret ses pythons tués à coups de marteau avant d'être dépecés. L'éleveur a placé sur ses murs de grandes affiches expliquant comment tuer un python «sans cruauté» et a déclaré que son métier n'était pas différent des autres types d'élevage. «Les animaux de ferme sont abattus dans le monde entier, explique-t-il. Pour les pythons, c'est pareil.»

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