Tu vas mûrir, Larson
Comment éviter que les fruits finissent à la poubelle?

Certains fruits semblent mûrir très vite et passer du jour au lendemain de fermes à gâtés. Comment les conserver à la maison et éviter ce gaspillage? On a demandé conseil à un expert.
Publié: 24.08.2023 à 11:40 heures
|
Dernière mise à jour: 24.08.2023 à 17:21 heures
Le frigo reste la meilleure méthode pour prolonger la durée de vie des fruits frais.
Photo: Shutterstock
Elodie Maître-Arnaud

Quel plaisir de retrouver les saveurs des fruits de saison! Mais l’appétissante corbeille multicolore disposée sur la table de la cuisine cède souvent trop rapidement la place à des masses marronnasses et flétries, attirant des nuées de moucherons. Des «accidents de conservation» qui finissent inexorablement à la poubelle… mais qui ne sont pourtant pas une fatalité! Danilo Christen est responsable du groupe Production fruitière en région alpine à Agroscope. De la récolte à la dégustation, il nous explique comment limiter les dégâts pour consommer des fruits mûrs à la maison.

Car même une fois cueilli, le fruit reste vivant. Et c’est bien tout le challenge du stockage: comment ralentir son vieillissement afin qu’il arrive à point sur notre table? Ce phénomène naturel est en effet susceptible de provoquer un certain nombre de maladies physiologiques du fruit. «Ces maladies entraînent un brunissement de la chair et/ou de la peau, parfois aussi des cavernes à l’intérieur des fruits», précise-t-il. C’est donc ça un fruit gâté! À ne pas confondre avec un fruit pourri! Stricto sensu, on parle en effet de pourriture lorsqu’il a été attaqué par une maladie fongique (moisissure ou champignon).

Vous avez dit maturité?

Avant d’aller plus loin, entendons-nous sur ce que l’on appelle un fruit mûr. «Du côté des producteurs, on parle de maturité à la récolte», explique le spécialiste d’Agroscope. Elle est déterminée par la mesure de plusieurs indicateurs: fermeté, acidité, teneur en sucre et teneur en amidon du fruit, pour l’essentiel. La maturité dite «de consommation» est une notion plus subjective, étroitement liée au préférences gustatives de chacun. «Si on veut satisfaire la majorité des consommateurs, on considère qu’un fruit est mûr lorsque l’équilibre sucre – acidité est atteint», explique-t-il.

Mais l’équilibre ne fait pas tout (ce serait trop simple!). Il est aussi question de texture – ni trop dure, ni trop molle. Là encore, tout est affaire de goût: certains préfèreront ainsi les poires croquantes, tandis que d’autres les dégusteront fondantes. Il faut savoir enfin que, de façon naturelle, la fermeté d’un fruit diminue avec le temps, sous l’effet des pectinases, enzymes responsables de la décomposition de la pectine, un sucre présent dans les parois cellulaires des fruits. «Un abricot mou sera considéré par les consommateurs comme plus mûr qu’un abricot ferme, et ce, indépendamment du taux de sucre du fruit en question», ajoute-t-il. On a dit subjectif…

Il faut encore ajouter la notion de «maturité commerciale» afin de tenir compte des critères de qualité des distributeurs. «Traditionnellement, on récolte les fruits un tout petit peu trop tôt afin d’éviter les retours de marchandises», affirme Danilo Christen. Car si on les cueille un poil plus tard, leur évolution sera trop rapide, ils risquent alors de ne plus être assez fermes pour être manipulés et arriver en bon état dans les rayons… et dans nos cuisines. Cette pratique concerne surtout les fruits de saison (abricots, pêches, baies, pruneaux, cerises) et moins les fruits dits «de garde» (pommes et poires).

L’autre raison poussant les producteurs à ramasser des fruits à peine mûrs porte le nom de Drosophila suzukii, un redoutable moucheron asiatique, présent depuis quelques années sous nos latitudes. «Il est plus pernicieux que les moucherons qui voltigent dans nos cuisines, car ils percent les fruits alors qu’ils sont encore sur l’arbre, à la fin de la maturité», ajoute-t-il. En ramassant les fruits un peu plus tôt, on évite ainsi que l'insecte y ponde ses œufs.

Au frais!

Maintenant que l’on est au clair sur ce qu’est un fruit mûr, comment faire pour le conserver à la maison? «Ça dépend d’abord de quelle espèce on parle!», répond le spécialiste d’Agroscope. «Un abricot se conservera évidemment bien moins longtemps qu’une pomme». Ensuite, il faut tenir compte de la variété: «C’est plus difficile, car cette information est rarement donnée au consommateur.» Et de préciser que la plupart des nouvelles variétés de fruits ont été développées pour encaisser les chocs avant d’arriver sur les étals des magasins. «Cela permet notamment d’éviter les micro fissures dans la peau, qui favorisent le développement de pourriture.» Quoi qu’il en soit, pour éviter de jeter, le spécialiste d’Agroscope recommande d’adapter la quantité de fruits achetée à sa consommation: «On peut acheter les pommes au kilo, parce qu’elles se gardent très bien. Au contraire, mieux vaut acheter les poires à la pièce, car elles sont plus difficiles à conserver à la maison.»

Danilo Christen relève également que la température de conservation est un élément très important: «Dans un frigo à 4 °C, les fruits de nos régions se conservent entre deux jours et quatre semaines. Dans une cuisine à 25 °C, en plein été, certains peuvent déjà s’abîmer après une demi-journée.»

Il conseille donc de conserver les fruits au frais et de consommer les plus fragiles, comme les baies, le jour de l’achat. «Il suffit de sortir les pommes deux jours avant de les manger», ajoute-il. «Pour une poire fondante, c’est mieux de la laisser deux ou trois jours à température ambiante.» Quant aux pêches, quelle que soit la variété, elles devraient tenir une petite semaine hors du frigo, jusqu’à maturité. Enfin, les abricots se dégustent tels quels dans les deux jours suivant l’achat, puis on fait cuire ceux qui deviennent plus mous, en confiture ou en tarte.

On garde les vieux fruits, mais on jette les pourris

Autre point important pour la bonne conservation des fruits: éviter de stocker ensemble des espèces qui dégagent beaucoup d’éthylène – un gaz produit naturellement par les fruits et qui est responsable de leur vieillissement, notamment de la perte de fermeté. C’est le cas par exemple des bananes et, dans une moindre mesure, des pommes. Enfin, il est préférable que les fruits ne se touchent pas entre eux, ce qui permet notamment d’éviter à la pourriture qui se développerait sur l’un d’en contaminer un autre. De même, un fruit très mûr produira beaucoup d’éthylène: il est donc préférable de l’éloigner des autres fruits afin de ne pas accélérer leur vieillissement.

Les fruits abîmés deviennent-ils pour autant impropres à la consommation? Selon Danilo Christen, les dégâts physiologiques liés à la sénescence du fruit n’ont pas d’impact sur notre santé, même s’ils peuvent légèrement en modifier le goût. Il suffit donc de retirer les morceaux abîmés pour se régaler du reste. Pour les attaques fongiques, c’est différent: «Parce que même si l’on retire la pourriture apparente, il y a toujours un risque que les filaments du champignon aient favorisé le développement de certaines toxines.» Prudence, donc: mieux vaut jeter un fruit trop attaqué par la pourriture.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la