Euh, le génépi, vraiment?
Aphrodisiaques, ces aliments? Pas sûr

Rendez-vous incontournable de la Saint-Valentin, le dîner aux chandelles est aussi l’occasion de s’interroger sur la réalité des mets dits aphrodisiaques. Alors, info ou intox? Pour pimenter la soirée, on a demandé à un spécialiste.
Publié: 11.02.2023 à 15:14 heures
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Dernière mise à jour: 14.02.2023 à 09:47 heures
Photo: Shutterstock
Elodie Maître-Arnaud

Les aphrodisiaques sont connus depuis la nuit des temps. Pourtant, l’efficacité de la plupart de ces ingrédients supposés stimuler le désir sexuel n’a jamais été prouvée scientifiquement. Certaines substances sont toutefois susceptibles d’agir physiologiquement sur la dilatation des vaisseaux sanguins des corps caverneux du pénis ou du clitoris; elles peuvent aussi favoriser la spermatogénèse ou encore augmenter la production de testostérone. Mais on est loin du mythe du philtre d’amour…

Kurt Hostettmann est professeur honoraire à l’Université de Genève. Il y a enseigné pendant plusieurs années la pharmacognosie et la phytochimie. Régulièrement consulté par des chefs pour élaborer des menus de Saint-Valentin, il se prête volontiers à cet exercice «pour le folklore», leur suggérant d’accommoder le cacao et des épices comme le safran, la cardamome, le clou de girofle ou encore la cannelle. Avec son aide, on démêle ici le vrai du faux des vertus «aphrodisiaques» de plusieurs aliments.

La grenade, c’est (presque) de la bombe!

«Dans la bible, la grenade est un symbole de fécondité. En Chine, on l’offre en cadeau de mariage pour assurer la descendance», raconte Kurt Hostettmann. Et il semble qu’il y a un peu de vrai là-dedans. Le professeur cite ainsi une étude de l’Université Queen Margaret d’Édimbourg de 2012. Une soixantaine de volontaires a bu un verre de jus de grenade chaque jour, pendant deux semaines. A la fin de l’expérience, les chercheurs ont constaté une élévation de leur niveau de testostérone salivaire, de 20% en moyenne. Pas de quoi s’emballer toutefois, même si cette hormone est impliquée dans le désir sexuel chez l’homme et, dans une bien moindre mesure, chez la femme qui en sécrète une infime quantité. Un petit shot quand même?

Surcoté, le gingembre?

C’est sans doute la plante la plus connue pour ses supposées vertus aphrodisiaques. «Il n’y a pourtant pas d’étude très fiable qui le prouve, même si cette racine est largement utilisée depuis l’Antiquité comme stimulant sexuel», affirme le spécialiste des plantes. Bourré de vitamines, minéraux et oligo-éléments, le gingembre est en tout cas un véritable concentré d’énergie, et ça, c’est toujours bon à prendre. «Il provoque aussi une dilatation des vaisseaux, y compris ceux du bas-ventre, ce qui peut sans doute favoriser les érections.»

Et d’ajouter, à toutes fins utiles, que le Kamasutra recommande le gingembre en usage externe, par massage. Attention à la surchauffe! Il cite aussi le guarana, une baie d’Amazonie apparentée au litchi: «elle contient quatre à cinq fois plus de caféine que le café. Elle n’est donc pas directement aphrodisiaque, mais ça peut aider pour rester bien éveillé!»

Vices et vertus du génépi

«De nombreuses espèces locales sont également parées de propriétés aphrodisiaques, mais nous n’en avons pas la preuve», avertit le professeur Hostettmann. C’est le cas de l’anis vert, du génépi ou encore de la sarriette des montagnes. Très célèbre chez les Grecs, qui l’appelaient aussi herbe du bonheur, cette dernière était supposée stimuler l’érection. «Charlemagne avait d’ailleurs interdit aux moines, par décret, de la cultiver dans leurs jardins.» Et parce qu’on n’est jamais trop prudent, ceux-ci étaient plutôt encouragés à planter du gattilier, ou poivre des moines, qui diminuerait au contraire très nettement la libido des hommes.

La truffe, une histoire cochonne

Avant de régaler un gourmet, la truffe qui lui est servie a peut-être leurré une truie à la recherche d’un partenaire. Car si aujourd’hui, ce sont surtout des chiens spécialement dressés qui déterrent ces précieuses tuber, c’est bien la femelle du cochon qui était traditionnellement utilisée pour le cavage. «Une étude des années 1960 explique que les truies sont attirées par les truffes, car elles contiennent une substance très proche d’une phéromone sexuelle présente dans la salive du verrat» [l’androsténol, ndlr], relève le professeur. Et d’ajouter que certaines femmes pourraient également ressentir de l’excitation lorsqu’elles consomment des truffes. L’explication est peut-être à trouver dans le fait que l’androsténol est aussi l’une des composantes de la sueur des hommes. Attention, pour mettre toutes les chances de votre côté, la truffe doit être consommée crue, car ce composé ne résiste pas à la cuisson.

Astuces du Grand Siècle: l’huître et le céleri

Rien ne prouve aujourd’hui encore que la consommation d’huîtres ait une quelconque incidence sur le désir ou la fonction sexuelle. Mais pour la petite histoire, on raconte que Casanova en consommait plusieurs douzaines pour «tenir» toute la nuit, et qu’il s’amusait à passer chaque huître de bouche en bouche avant de les déguster. Classe.

Plus scientifiquement, Kurt Hostettmann relève que ces bivalves sont très riches en zinc, «ce qui permet de maintenir un niveau élevé de testostérone dans le sang et favorise la spermatogénèse». Contemporaine du séducteur vénitien, Madame de Pompadour, favorite de Louis XV, aurait quant à elle cherché à stimuler son appétit sexuel en consommant régulièrement du céleri, dont la composition est proche de celle de la truffe aux dires du professeur.

Des asperges fièrement dressées

Selon la «théorie des signatures» connue depuis l’Antiquité, les plantes ayant la forme d’un organe humain soigneraient par sympathie les maladies de cet organe. Ici, on fait évidemment référence au symbole phallique. «Mais on est vraiment dans l’imagerie», confirme-t-il. A noter toutefois que la vitamine E contenue dans l’asperge a des propriétés avérées pour fluidifier le sang. De là à dire qu’elle faciliterait l’érection… Le risque, en la consommant en grande quantité, est surtout de passer les heures qui suivent aux toilettes, en raison de son effet diurétique. On vous aura prévenu!

Les dangers du yohimbe

Plus connue sous le nom peu équivoque de bois bandant, l’écorce de cet arbre d’Afrique centrale provoque une érection immédiate, en agissant directement au niveau de la circulation sanguine, même en l’absence de désir sexuel. «Tellement efficace qu’elle peut provoquer des crises de priapisme [une érection prolongée douloureuse et irréductible, ndlr]», avertit Kurt Hostettmann. A éviter sans avis médical, donc, d’autant que le yohimbe peut entrainer de nombreux autres effets secondaires, parfois fatals…

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