Un packaging plutôt moderne, avec des lettres graphiques et arrondies sur un fond décliné en violet, vert et bleu. Une nouvelle brique de lait a attiré mon attention alors que je faisais mes courses dans un supermarché Migros. C'était écrit «potato» en lettres majuscules. Du lait de …pomme de terre, commercialisé par Dug, une marque suédoise.
La boisson est disponible en version originale, pour cuisiner ou à mettre dans le muesli, en version «dé-sucrée», le sucre du légume ayant été retiré, et enfin en barista, particulièrement indiquée pour les cafés et thés, même si la marque assure que toutes les déclinaisons se mélangeront parfaitement avec nos boissons quotidiennes. Une brique d'un litre coûte 2,60 francs. C'est plus que du lait demi-écrémé habituel (1,55 franc) mais moins que du lait d'amande (3,50 francs). Logique: les patates, ça coûte bien moins cher que les amandes.
Le secret: une émulsion de patates
La marque a développé ce lait grâce aux travaux d’Eva Tornberg, professeure émérite à l’Université de Lund, près de Malmö en Suède, et scientifique de renom dans le domaine de l’industrie alimentaire. Elle travaille sur les protéines végétales et les protéines de pomme de terre en particulier depuis les années 1970. La chercheuse a aidé la société à développer et breveter une émulsion de pommes de terre et d’huile de colza, qui donne cette texture et ce goût particulier à leur lait.
A priori, à l’image de nombreux laits végétaux, on se dit que le mélange doit être un poil chimique et la liste des ingrédients, interminable. Vérification sur l'étiquette: les composants sont en effet nombreux, mais pas tant artificiels que ça. On y trouve en grande majorité de l’eau, puis 4,5% de pommes de terre et de l’huile de colza, bases principales qui une fois émulsionnées, donnent la consistance caractéristique du lait légèrement veloutée. Le mélange étant relativement pauvre en nutriments, il est complété par du sucre, des protéines de pois et des vitamines. Enfin, on trouve quelques additifs naturels et artificiels.
Meilleur goût que son odeur
Et qu’en est-il du goût? Avant la première gorgée, on sent un arôme que j'associe à un stick de colle blanche, avec des notes chimiques qui rappellent le plastique. Pas très engageant! Une fois dépassée la peur de l’inconnu, et ne reculant devant rien, je l'ai fait couler dans ma gorge. Le goût est, contre toute attente, plutôt agréable. On reconnaît immédiatement être en présence d'un lait végétal, son goût rappelant d'ailleurs celui du lait d’avoine. Il est légèrement sucré (significativement plus que du lait de vache alors qu'il contient pourtant moins de glucides) et cette petite saveur sucrée fait qu'on en reprend volontiers un verre. La boisson n’évoque en rien le goût de pomme de terre, et la texture est très proche de celle du lait: elle est soyeuse et laisse un film homogène au fond du verre. Test validé!
La Migros, première à avoir mis en vente le lait de pomme de terre en Suisse, rappelle que les laits végétaux cartonnent dans le pays. «L'assortiment d'alternatives au lait de vache a connu chez nous une croissance à deux chiffres au cours des dernières années», peut-on lire dans un document interne, qui précise que le géant orange teste ce nouveau lait de pomme de terre dans un certain nombre de ses magasins. Les quantités sont modestes: la coopérative a passé une commande d’un montant d’environ 59’000 euros, selon un communiqué de presse de la société suédoise.
On a voulu interroger les coffee shops de Genève sur l’intérêt de leurs clients sur ce nouveau lait, mais on a vite déchanté quand on a réalisé que le lait de patate était encore un ovni dans ces lieux privilégiés de personnalisation du café. Caroline, une barista qui est en poste depuis deux ans chez Boréal à Genève, avoue ne jamais avoir entendu parler de ce lait, en revanche, elle m’assure que les laits végétaux en général, surtout le lait d’avoine, sont demandés par au moins un client sur deux.
Un faible impact environnemental, mais un circuit trop long
La communication faite par Dug insiste beaucoup sur les qualités environnementales d’un lait de pomme de terre, comparé au lait de vache ou aux laits végétaux. Sur son site, la marque affirme une consommtion d'eau 96% moins élevée pour la culture des pommes de terre, comparée à celle des amandes. Il est vrai que les laits végétaux nécessitent d'importantes quantités de ressources. Environ 371 litres d'eau pour un litre de lait d'amandes, 628 litres pour un litre de lait de vache, mais seulement 28 litres pour un litre de lait de soja.
Sur le plan des terres arables, Dug vante aussi une utilisation des terres deux fois moindre que pour la culture de l'avoine. Enfin, comparé au lait animal, le lait de patates aurait une empreinte carbone 67% moins élevée.
Sous ses airs de bon élève écolo, le lait de pommes de terre n'est pas encore tout à fait irréprochable. Bien que le tubercule pousse à toutes les latitudes, le lait Dug utilise des pommes de terre cultivées en Allemagne, qui sont ensuite déshydratées et mises à l’état de flocons en Angleterre puis transformés en lait, avant d'arriver en Suisse et ailleurs, notamment la Suède, le Royaume-Uni, l’Irlande et l’Allemagne. Pour les circuits courts, ça n'est pas encore ça. Mais qui sait? Si les tests de Migros sont concluants, peut-être verra-t-on dans les rayons un lait de pommes de terre 100% suisse, qui pour le coup serait vraiment écolo.